FERIOJ ( journal culturel )

Lulu femme nue

Mardi 7 janvier 2014 à 22:25

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Qui n'a jamais pensé "pfff j'en ai marre de ma vie, j'ai envie de tout plaquer ?". Lulu l'a fait. 

Lulu femme nue
: une bande dessinée en deux tomes d'Etienne Davodeau, Futuropolis, 2009-2010 (environ 150 pages au total), illustrations en couleur. Le premier livre fait partie des "Essentiels d'Angoulême" 2009. Une édition intégrale sort le 9 janvier. 

Quatrième de couverture : Lulu, mère de famille de quarante ans, sans histoire, a disparu depuis plus de deux semaines, abandonnant mari et enfants à ses amis désemparés. L'un d'eux, Xavier, a retrouvé sa trace. En une nuit, il entreprend de raconter aux autres ce qu'a vécu Lulu pendant cet étrange voyage : Lulu a quitté sa vie normale en sortant d'un énième entretien d'embauche.Elle n'avait rien prémédité. Ça s'est passé très simplement. Elle est partie avec une femme dont elle ne connaissait rien, et s'est octroyé quelques jours de liberté, seule, sur la côte, sans autre projet que de savourer pleinement, et sans culpabilité, cette vacance inédite.Presque surprise par sa propre audace, Lulu rencontre de drôles de gens, qui sont, d'une façon ou d'une autre, eux aussi au bord du monde.Grisante, joyeuse, dangereuse et cruelle, l'expérience improvisée de Lulu en fera une autre femme.

Une belle réussite ! On part d'un réalisme un peu ennuyeux/tristounet (la vie de Lulu avant son escapade, en gros, une vie terne à laquelle pas mal de monde peut s'identifier, je pense) et grâce à cette petite étincelle de vie qui remet tout en question, on est entraîné vers... on ne sait pas trop quoi, justement. Quand le récit commence, on sait que l'aventure est finie, ou presque, puisqu'elle est racontée par un ami de Lulu - qui passera ensuite le relais à la fille aînée de Lulu, qui elle aussi en sait plus que le reste de son entourage qui est très inquiet et surpris de la "disparition" volontaire et fort étrange de l'héroïne. Il y a donc un certain suspense, et à un moment donné, on est même un peu baladé vers une fausse piste.... ou alors c'est moi qui avais mal compris mais dans ce cas tant mieux, cela a rendu la lecture plus prenante encore de penser QUE... et en fait non (mais je ne vais pas développer pour ne pas spoiler, cela serait dommage).

Les dessins ne sont pas extrêmement jolis, même si les décors - les plages notamment - sont très agréables. Je devrais dire les choses autrement : par rapport à ce qu'on a l'habitude de voir, les personnages ne sont pas très jolis. Et en fait c'est une qualité, une bonne chose de ne pas avoir cherché à rendre "glamour" des personnages ou une histoire qui ne le sont pas ! Cela rend le tout plus crédible et universel je trouve. Certaines péripéties tombent un peu "à plat" d'ailleurs, l'intrigue peut prendre parfois une tournure très alléchante et par amour de l'action on espère qu'on va continuer dans cette direction romanesque... et en fait pas forcément, parce que dans la vie les choses ne se passent pas comme prévu ni comme on veut. 

Confier la narration à des personnages externes - même s'ils sont proches de l'héroïne - est intéressant car cela donne du rythme et, comme je l'ai dit, un certain suspense, comme le récit se fait progressivement. Je regrette un petit peu qu'on ne partage pas plus les pensées de Lulu, du coup, une fois la bande dessinée terminée je me demande encore ce qu'elle a ressenti plus précisément à tel ou tel moment, et surtout, comment les choses vont se poursuivre ensuite... ces quelques réserves m'empêchent de considérer cette BD comme un gros coup de coeur, mais ça a été vraiment une très bonne lecture, et qui, je pense, peut plaire à un large public, je vous la recommande donc ! 

Je pense que j'irai voir l'adaptation cinématographique qui sort le 22 janvier, avec Karin Viard dans le rôle principal, parce que je suis curieuse de voir une autre version de Lulu femme nue, et aussi parce que j'ai beaucoup aimé les deux autres films réalisés par Solveig Anspach que j'ai eus l'occasion de voir, Back Soon (mon avis ici) et Queen of Montreuil

Le blog tenu par Etienne Davodeau pendant la réalisation de la BD
Le blog du film

Petite Poucette, Michel Serres

Samedi 4 janvier 2014 à 22:29

 Un court essai philosophique qui défend de manière béate et peu documentée la révolution numérique et ses conséquences sur nos sociétés. C'est bien gentil mais je n'ai pas du tout aimé !

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Quatrième de couverture : 
Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.
De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise «Petite Poucette» - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...

Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible.

A l'origine de ce livre, un discours prononcé à l'Académie française en 2011, qui a été très largement diffusé, tout d'abord par la publication d'un extrait le lendemain dans «Le Monde», repris par un article dans «Le Figaro» puis d'un grand mouvement sur Internet...

Professeur à Stanford University, membre de l'Académie française, Michel Serres est l'auteur de nombreux essais philosophiques et d'histoire des sciences, dont les derniers. Temps des crises et Musique ont été largement salués par la presse. Il est l'un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture.

Mon avis : ok, LE MONDE A CHANGE. Il serait fou de le nier. Nos manières de penser, de communiquer, d'apprendre, d'appréhender les connaissances, d'agir, de travailler,... ont été révolutionnées par les nouvelles technologies, au sens large du terme (pas uniquement les téléphones portables). Mais Michel Serres semble partir du postulat (même si ça n'est jamais vraiment explicite) que la posture dominante (= celle des adultes qui critiquent leurs enfants et ados, en fait) consiste à vouloir rejeter ces révolutions. Et il se place donc en réaction contre ces réticences, propose d'être plus ouvert, dit qu'on devrait tirer profit de tous ces changements... hmm.  C'est bien joli mais je n'ai pas trouvé cet essai "innovant" au final, ni subtil, et je pense même que le regard de Michel Serres sur la génération Y est très naïf ! A force d'admirer tout ce que ces progrès peuvent impliquer dans notre relation au monde et aux autres, il s'envole tout seul vers une utopie peu crédible (mais peut-être qu'une utopie manque par définition de crédibilité ?). Comme si l'être humain avait assez de bonté et de jugeote en lui pour savoir faire un bon usage de tous ces nouveaux outils... mon oeil. 

C'est frappant par exemple vers la fin quand il fait l'éloge - il ne fait que ça d'ailleurs, son discours se structure en une suite d'"éloges"... - des modes d'appartenance et de rencontres virtuelles qui font selon lui peu à peu disparaître les groupes et institutions traditionnels tels que l'armée, les églises, la famille etc. Et son raisonnement, si je le schématise, revient à dire "vive les relations virtuelles ! en étant moins incarnées, elles sont moins violentes !". Comme si la virtualité gommait les précédents problèmes et n'en soulevait pas d'autres !? Il reste toujours très vague, il fait allusion aux "réseaux sociaux" par exemple mais très rapidement et sans citer facebook, ni twitter, sans aucun exemple concret derrière... à force d'être abstrait il nous perd, on a l'impression qu'il finit par pérorer sans savoir réellement de quoi il parle. Pas une fois il ne fait référence par exemple aux problèmes paradoxaux (et pourtant logiques, si on y réfléchit deux minutes) de solitude et d'individualisme liées à facebook et compagnie... et que penser quand il surrestime à mort le contenu des blogs et de manière générale la qualité des données qu'on peut glaner sur le net, n'hésitant pas à nous sortir un risible et grossier "combien d'oncologues avouent avoir plus appris sur les blogs des femmes atteintes d'un cancer du sein que dans leurs années de faculté ?". Euh, pas beaucoup j'espère, sinon je plains les femmes atteintes de cancer du sein, si leurs médecins comptent sur leurs blogs de patientes pour apprendre à les soigner... ! et le livre regorge de trucs aberrants comme ça. 

Je n'ai pas non plus trouvé l'écriture adaptée au propos. Il y a clairement un gros effort de style, mais là encore je trouve qu'il en fait beaucoup trop  : au lieu d'être clair et de donner des exemples, il se laisse aller et abuse de tournures pompeuses, soutenues voire désuètes (la répétition de l'expression "jadis et naguère" m'a vite agacée !). J'ai surtout senti derrière ce ton une tentative de séduire un lectorat érudit / snob / d'un certain âge, une sorte de double de l'auteur - que l'auteur juge utile d'éclairer grâce à cet ouvrage de sa sainte lumière pro-modernité (je caricature à peine !). Et le choix d'un tel style donne également lieu à des raccourcis / comparaisons outrées qui se veulent sûrement poétiques mais n'ont en réalité pas grand sens, comme ce parallèle qui est fait entre la tour Babel et la tour Eiffel, mais franchement quel intérêt ?!

Ou encore cette délicieuse phrase, page 62 :
"Un pays comme la France devint vite une ville que le TGV parcourt comme un métro, que les autoroutes traversent comme des rues". Pour sortir de telles âneries, je suppose que Monsieur Serres n'a pas dû beaucoup sortir de Paris pour essayer de voyager à travers la province en utilisant les transports en commun, sinon il se serait probablement aperçu que cela n'est pas aussi facile que ça !! Cet exemple qui n'est qu'un minuscule détail illustre l'état d'esprit qui semble être celui de l'auteur, et qui m'a de plus en plus énervée au fil des pages : on dirait un doux rêveur, peu en prise avec la réalité. Mais peut-être suis-je trop jeune pour m'émerveiller de tous ces progrès qu'il évoque de loin (je ne sais pas comment c'était "avant" hum), et trop vieille pour m'identifier complètement à cette "Petite Poucette", citoyenne digital native qui va dominer le monde à l'aide de ses petits doigts tapotant un écran tactile...

Me fait penser aussi à cette phrase qui m'a fait bondir (promis après j'arrête de descendre ce bouquin) : "Ledit renversement touche aussi bien les sexes, puisque ces dernières décennies virent la victoire des femmes, plus travailleuses et sérieuses à l'école, à l'hôpital, dans l'entreprise... que les mâles dominants, arrogants et faiblards. Voilà pourquoi ce livre titre : Petite Poucette." Ainsi donc, le "féminisme" selon Michel Serres consiste à renforcer le mythe des "filles naturellement meilleures à l'école" (il semble s'en réjouir sans se demander d'où vient le problème ! - et j'ose espérer que son expression "mâles dominants" se veut ironique... mais je trouve ça peu clair !) et de parler de "victoire" des femmes, comme si le sexisme n'existait plus en France... HUM ! Plus j'y repense, plus ce livre me semble prétentieux et vain, en fait. A vouloir faire court et grand public, il s'enlise dans des bons sentiments manichéens, et tombe carrément à côté de la plaque. 
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 A voir cette semaine : 
Genre : indéfini ? (cliquez pour avoir accès à la vidéo)
(titre original : Orchids : my intersex adventure). 

Un documentaire australien autobiographique sur l'intersexuation, qui ne dure 47 minutes. Cela faisait un moment que je voulais le voir ! Il est passé sur Arte le jeudi 2 janvier et est donc encore en ligne sur internet pendant 7 jours. L'auteur et "héroïne" du documentaire, Phoebe Hart, nous raconte son parcours et nous fait rencontrer d'autres personnes atteintes du même syndrome. Il s'agit du syndrome d'insensibilité aux androgènes (ou pseudo-hermaphrodisme). Phoebe a des chromosomes masculins mais ne produit pas de testostérones. Elle est née sans utérus, et avec des testicules qu'on lui a ôtées à l'adolescence pour continuer de la féminiser (pour que sa poitrine se développe par exemple) et essayer ainsi de "gommer" sa différenciation sexuelle. Sa soeur est atteinte du même syndrome, qui a pourtant été un véritable tabou dans son entourage pendant des années ; c'est pour briser cette loi du silence qu'elle a décidé de réaliser ce film, à la fois documentaire sur l'intersexuation et reportage personnel. 

Un article avait déjà été fait sur madmoizelle pour présenter ce documentaire lors de sa précédente diffusion, à lire ici.

Autres articles sur le même sujet :

Le Monde Magazine : Fille ou garçon ? Non, intersexués"
- sur le blog des 400 culs :  Intersexe : un corps peut en cacher une paire et  "Il n'existe pas 2 sexes (mâle et femelle) mais 48"

Les cas d'intersexuation sont  rares... mais loin d'être exceptionnels, cf ces statistiques issues de l'article du Monde :

"1 sur 2000 - C'est la proportion généralement reconnue d'intersexués dans la population, si on tient compte de la discordance entre les gonades (testicules ou ovaires) et les chromosomes (XY ou XX).
1 sur 500 Le chiffre est bien plus important si on élargit à toutes les variations du développement sexuel, ou bien au niveau des hormones, des gènes, etc. Le fondateur de l'Organisation internationale des intersexués avance même le chiffre de 4 %."


... De quoi remettre en question les certitudes étriquées de celleux qui pensent qu'il y a une différenciation stricte entre hommes et femmes et que chacun devrait bien prendre garde à se conformer à sa petite case bien définie ! ;)

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Esprit d'hiver, Laura Kasischke

Vendredi 3 janvier 2014 à 19:57

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Esprit d'hiver, Laura Kasischke
Editions Christian Bourgois, 275 pages
Rentrée littéraire 2013. Littérature états-unienne.


Huis clos entre Holly, une mère, poétesse qui n'a pas écrit depuis des années, et sa fille adoptive de 15 ans, Tatiana, un 25 décembre. Attente vaine des invités au repas de Noël, invités dont la venue est progressivement remise en question à cause d'une tempête de neige. On pense d'abord que le danger, que l'enjeu dramatique vient de l'extérieur, le père est parti chercher ses parents à l'aéroport et tarde à revenir... la journée du côté des femmes restées à la maison s'annonce plutôt ennuyeuse ou laborieuse, certes Holly s'est levée tard, le repas n'est pas encore prêt, et sa fille auparavant si charmante est d'une humeur grincheuse typiquement adolescente qui froisse sa mère et la laisse perplexe, mais à part s'occuper de la préparation du repas et attendre leurs invités elles n'ont rien à faire.

Pendant toute la journée, on oscille entre tentatives de réconciliations et bouderies entre la mère et la fille - tout est raconté du point de vue de la mère, et petit à petit on en apprend beaucoup sur le passé des personnages, le désir avorté de maternité et d'écriture d'Holly, et les circonstances de l'adoption de Tatiana en Russie, 13 ans plus tôt.

Cela se tient, la fin est assez frappante et donne envie de revenir au début pour tout revoir autrement ! Mais dommage que l'ensemble soit noyé dans un amas de considérations creuses et répétitives. On suit l'action - qui à part quelques maigres rebondissements est assez médiocre - et les pensées d'Holly en temps réel, alors oui tout est décomposé, mais on a l'impression que tout se traîne, tout est répétitif, et les protagonistes sont assez tête à claques ! Holly reste coincée dans son rôle de mère en admiration constante pour sa fille, même si celle-ci ne cesse de la décevoir et d'échapper à sa compréhension. Et impossible de comprendre ce que Tatiana a derrière la tête, pourquoi mère et fille ont besoin de se chamailler ainsi pour des broutilles tellement superficielles que l'ensemble en devient vite très agaçant !

L'auteur est très douée pour nous faire tourner en bourrique ; en effet malgré mon exaspération constante, je suis quand même restée accrochée à ma lecture parce que j'avais envie de connaître le pourquoi du comment, mais l'avancée est très lente et on reste sur notre faim quasiment jusqu'à la fin ! Et même si cette résolution est bien trouvée, mon impression globale est très mitigée. On ne peut nier un talent indéniable de l'auteur qui réussit à nous taper sur le système tout en nous donnant envie de comprendre ce qu'il se passe réellement, d'autant plus que l'atmosphère devient de plus en plus étouffante voir surnaturelle ! C'est pourquoi je suis allée jusqu'au bout (je suis d'accord avec les critiques qui qualifient ce roman de thriller, en un sens). La fin est plutôt réussie mais ne parvient pas à effacer le fait que la majeure partie de ma lecture a été assez poussive et agrémentée de nombreux soupirs mentaux d'impatience... c'est le genre de livre que j'aimerais sûrement mieux en y repensant plus tard, comme la fin est bien et que je vais peut-être oublier ce qui m'a ennuyée avant, j'en aurai peut-être un souvenir surestimé. N'empêche que j'ai largement préféré le seul autre livre que j'ai lu de cet auteur pour le moment : Rêves de garçons.

Quatrième de couverture :
Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d'angoisse inexplicable. Rien n'est plus comme avant. Le blizzard s'est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant...

Extraits :
"Et Holly pensa alors : "Je dois l'écrire avant que cela ne m'échappe". Elle avait déjà ressenti ça plus jeune - l'envie presque paniquée d'écrire à propos d'une chose qu'elle avait entraperçue, de la fixer sur la page avant qu'elle ne file à nouveau. Certaines fois, il avait failli lui soulever le cœur, ce désir d'arracher d'un coup sec cette chose d'elle et de la transporter en mots avant qu'elle ne se dissimule derrière un organe au plus profond de son corps - un organe un peu bordeaux qui ressemblerait à un foie ou à des ouïes et qu'elle devrait extirper par l'arrière, comme si elle le sortait du bout des doigts d'une carcasse de dinde, si jamais elle voulait l'atteindre une nouvelle fois.. Voilà ce que Holly avait ressenti chaque fois qu'elle écrivait un poème, et pourquoi elle avait cessé d'en écrire."

"Prendre connaissance des horreurs de ce monde et ne plus y penser ensuite, ce n'est pas du refoulement. C'est une libération."
 
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