FERIOJ ( journal culturel )

Après l'amour, Agnès Vannouvong

Mercredi 20 août 2014 à 20:28

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Après l'amour, d'Agnès Vannouvong 
Mercure de France, 2014, 208 pages.

Après A comme aujourd'hui et Déloger l'animal, deux gros coups de coeur, pouf, dégringolade ! Quelle déception ! Et pourtant, je voulais l'aimer ce livre, la preuve je l'avais même acheté (alors que l'immense majorité de mes lectures sont des emprunts - je suis trop tentée tout le temps au travail - donc j'achète relativement rarement de nouvelles parutions). 

Une histoire d'amour lesbienne qui finit mal dès le début, le thème annoncé du roman est donc comment se remettre d'une rupture, comment tourner la page, j'espérais donc quelque chose d'un minimum original, puis ce que j'ai lu de l'auteur m'avait donné envie aussi, une femme qui travaille sur les études de genre, yeah. 

Mais ce livre pourtant court aussi m'a semblé long, répétitif, creux, agaçant : en gros, l'héroïne désespérée de la perte de son amour va essayer d'avancer en couchant à droite et à gauche. Une méthode comme une autre, c'est pas le problème. Le problème, c'est qu'on tourne très vite en rond : ses amantes sont toujours le même genre de personnes dans le même genre de milieu : des personnes qui se veulent plus ou moins "alternatives" mais évoluent en réalité dans un milieu plutôt parisien-bobo-aisé. Tous les personnages semblent super-narcissiques, ils ne nouent jamais de réelles relations parce qu'ils sont déjà trop occupés à s'admirer eux-mêmes, et quand ils nouent une relation vraiment importante, ce n'est que sur le mode de la souffrance, du manque et de la dépendance à l'autre qui n'en a plus rien à foutre. 

J'ai bien conscience que c'est super-dur ce que je dis là, je juge la psychologie des personnages au lieu de me pencher sur l'aspect tout bonnement littéraire du roman, ce qui n'est pas de très bon goût ni très compatissant sachant qu'on peut se douter que l'auteur a probablement mis pas mal d'elle-même et de sa propre vie dans ce roman... mais c'est vraiment ce qui transparaît et le souci, c'est qu'il me semble que ça manque de distance, y'a aucun regard réflexif sur les personnages et ce qu'ils vivent : si on adhère aux personnages, à leur style de vie, si on traverse un désespoir similaire, on peut peut-être apprécier ce roman en restant vraiment au premier degré. Mais personnellement tout ça m'a au contraire exaspérée au possible, eu l'impression tout le long que les personnages se la racontaient, se prenaient très au sérieux, avec un côté "émo" mais vraiment pas dans le bon sens du terme. 

Les scènes de sexe sont bien trop nombreuses alors qu'elles sont toujours les mêmes, toujours racontées de la même façon, avec une touche d'"héroïsme" frimeur du genre la fille est méga-fière d'être un bon coup et de réussir à faire jouir sa partenaire, le sexe semble toujours simple et triomphant dans ce bouquin, et passées les premières scènes ça devient complètement gratuit et lassant. Je ne me souviens plus du tout de la fin mais globalement je crois bien qu'on n'avance pas beaucoup... puis, autre petit détail qui au début n'avait pas beaucoup d'importance mais qui m'a progressivement saoulée : les allusions très fréquentes à ce qu'elles mangent (au petit-déjeuner par exemple). Cela se comprend au début, et puis étant moi-même amatrice de foodporn j'ai rien contre le fait de parler de nourriture, c'est un ancrage dans la réalité, une image du plaisir sensoriel... sauf que là ça m'a vite gavée pour deux raisons, la première c'est que j'ai eu l'impression qu'il s'agissait une fois sur deux de dire "regarder comme on mange des trucs rares / chers / originaux" (bobo power), la deuxième, c'est qu'en général leurs trucs n'étaient pas végéta*iens. Et désolée, mais l'évocation de cadavres ou produits qui ont entraîner la mort d'animaux ne me fait plus saliver du tout, au bout d'un moment ce genre d'évocations, brèves mais récurrentes, m'a carrément répugnée et je redoutais l'arrivée de la prochaine. Pour toutes ces raisons, ce roman qui s'annonçait pourtant très bien m'a ennuyée et je l'ai même trouvé plutôt indigeste !

Quatrième de couverture : 
"Héloïse m’appelle « ma belle surprise ». Elle a ses petits trucs, les balades à moto, un parfum addictif, des pièges à filles. Les cloches de l’église Saint-Eustache ponctuent toutes les heures nos étreintes. J’aime caresser la peau, son dos, ses bras durs, le sexe doux sous la langue, les soupirs, les sourires entre les baisers, les rires. Je l’adore et honore son sexe. Un souffle, une parole, un geste provoquent le rapprochement des corps. J’aime notre intimité. Je veux essayer toutes les positions, tous les rythmes. Après les orgasmes, elle se serre très fort contre moi, je suis perdue. M’abandonner serait une aventure, alors je glisse, indéterminée, ouverte à tous les possibles."

Lorsque la narratrice se sépare de sa compagne Paola avec qui elle vivait depuis dix ans, sa vie bascule. Collectionnant les amantes, elle part à la recherche effrénée du plaisir et de la jouissance : de Paris à New York, de Rome à Berlin. Pourtant après l’amour, le manque est inéluctable. Dans cette ronde de la séduction, toutes ces Edwige, Garance, Éva, Delphine et autres conquêtes furtives prolongent l’absence de Paola… La rencontre avec Héloïse amorcerait-elle un tournant ?

Mêlant brillamment romantisme et crudité, douceur et violence, Après l’amour est un roman sensuel et sexuel qui explore la fulgurance du désir féminin.

Agnès Vannouvong enseigne les gender studies à l’université de Genève. Après l’amour est son premier roman.

Déloger l'animal, Véronique Ovaldé

Lundi 18 août 2014 à 13:45

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(lecture de mars, critique de mai)

Déloger l'animal, de Véronique Ovaldé 

Aussi lu en avion d'une traite et aussi très très bon !!! De Véronique Ovaldé j'avais déjà lu et apprécié il y a quelques mois la Grâce des brigands, mais là je dois dire que Déloger l'animal est vraiment au-dessus dans mon cœur, la Grâce des brigands fait un peu fade à côté (ma collègue qui m'a recommandé Déloger l'animal - que j'avais déjà prévu de lire depuis plusieurs années, à cause du titre) partage mon avis et d'ailleurs elle n'a pas aimé la Grâce des Brigands)

Bref. Déloger l'animal, c'est l'histoire d'une petite fille "anormale", même si pendant longtemps on ne sait pas trop quel est son problème, d'ailleurs on ne le sait jamais vraiment, et c'est pas vraiment la question au fond. Disons qu'elle a des difficultés à s'adapter au monde, à contrôler ses émotions, parfois son entourage la considère comme folle et doit alors la "réprimer" pour l'empêcher de trop se laisser aller. Cette petite fille adore sa mère... mais un jour, elle disparaît, sans qu'on sache pourquoi, et sa petite fille va alors se mettre à l'attendre. On dirait que j'en raconte trop, là, mais ne vous inquiétez pas, je ne considère pas tout ça comme du spoiler, le décor est planté assez rapidement - le roman en lui-même est court, environ 200 pages je dirais - et puis surtout ce qui compte ce n'est pas tant ce qui se passe mais le style, l'ambiance, la mentalité de cette gamine.

Le décalage entre la façon dont le monde la considère - de manière plus ou moins condescendante - et dont elle considère le monde, avec plus d'acuité et d'intelligence qu'ils ne le pensent. Bien sûr il lui arrive de perdre les pédales, et alors cela rend la narration d'autant plus intéressante parce qu'on ne sait pas si on peut se fier à elle ou pas - n'est-elle pas en train de nous raconter n'importe quoi ? Mais elle a une compréhension intuitive des choses, elle a une vie intérieure très riche, elle survit comme elle peut, un peu livrée à elle-même elle se construit son propre monde pour survivre quand même et faire face avec ses propres moyens au traumatisme de la disparition incompréhensible de sa mère.  Pas évident d'en dire plus parce qu'il ne se passe pas tant de choses que ça... mais c'est vraiment un livre fort, qui m'a fait une grande impression, la preuve j'arrive à en parler encore avec enthousiasme alors que ça fait plus d'un mois que je l'ai lu. 

Quatrième de couverture :
Rose a une quinzaine d'années mais elle en paraît sept, dans son corps comme dans sa tête. Elle vit avec ses parents dans une ville de bord de mer inondée de soleil. Elle aime monter sur le toit de l'immeuble, regarder le couchant au-delà des palmiers et surveiller ses lapins en attendant le retour de sa mère.
Un soir, celle-ci ne rentre pas. Le cliquetis de ses talons aiguilles, l'éclat synthétique de sa perruque blonde, le velours de sa voix disparaissent en même temps qu'elle. Face à l'inquiétante insouciance de son père, à l'inertie des adultes, la petite Rose réinvente l'histoire, se dissout dans une vie rêvée...
Un roman magnifique sur la confrontation de l'enfance absolue à l'aridité des choses, sur la rencontre entre l'imaginaire et le tumulte de l'adolescence.

A comme aujourd'hui, Daniel Levithan

Dimanche 17 août 2014 à 11:33

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(lecture de mars et critique écrite en juin)
A comme aujourd'hui, de Daniel Levithan 
Edition les Grandes Personnes, 2013, 373 pages

Coup de cœur, du très haut niveau !

Roman qu'on pourrait classer comme un roman fantastique pour adolescents, mais qui peut être lu par un public bien plus large que les amateurs de ce genre strict. Je trouve l'idée de départ assez géniale : le héros, A, est un adolescent de 16 ans qui se réveille tous les jours dans la peau d'une personne différente (fille ou garçon, à peu près dans la même région aux Etats-Unis, et toujours de son âge). Chaque jour il doit donc s'adapter à une vie qu'il ne connaît pas (il a simplement accès à la mémoire de son hôte du jour, ce qui lui permet de ne pas commettre trop d'impairs), en essayant de ne pas faire de dégâts et de ne pas laisser de traces de son passage qu'il ne contrôle pas... lui-même ne peut donc rien construire, pas de chez-lui, pas de futur, et pas facile de se fixer une identité propre au milieu de ce chaos.

L'exploration de cette situation imaginaire étonnante, qu'on peut juger abracadabrantesque au premier abord mais qui est très bien décrite, de façon claire et cohérente (sûrement plus que je ne le fais là à la va-vite), suffirait déjà à faire un roman passionnant, mais en plus, l'auteur y insère un grain de sable qui va enrayer la machine et pimenter encore plus le tout : A tombe amoureux. D'une fille qu'il ne reverra donc jamais, et qui ne pourra jamais le connaître puisqu'il doit cacher sa véritable identité et n'est d'ailleurs jamais le même, jamais au même endroit... mais alors que ça semble impossible, il va tout faire pour essayer de rendre cette histoire d'amour possible.

Chaque chapitre raconte un jour différent, et c'est très prenant de découvrir à la fois à chaque fois dans le corps de qui il a atterri et comment il va faire pour s'en sortir ce jour-là... et en même temps, essayer de poursuivre ses efforts pour revoir ou communiquer avec celle qu'il aime.

Ce roman virtuose révèle donc une grande variété d'univers, avec une intrigue unique passionnante ! En raison de sa vie extraordinaire, A est un adolescent très mûr, très tolérant et évidemment débordant d'empathie, cela en fait un narrateur intelligent et très attachant, et son amour est évoqué avec suffisamment d'émotions, mais sans qu'on tombe jamais dans de la mièvrerie creuse et gonflante.

Lu d'une traite en plusieurs heures en avion et ça a été une bonne claque, j'adore et je recommande !!!

Quatrième de couverture : 
Chaque matin, A se réveille dans un corps différent, dans une nouvelle vie, et ne dispose d'aucun moyen de savoir où et « qui » sera son hôte. Une seule chose est sûre : il n'empruntera cette identité que le temps d'une journée. Aussi incroyable que cela paraisse, A a accepté cet état de fait, et a même établi plusieurs règles qui régissent son existence singulière : ne pas s'attacher ; ne pas se faire remarquer ; ne jamais s'immiscer dans la vie de l'autre. Des préceptes qui resteront les siens jusqu'à ce qu'il se réveille dans le corps de Justin, 16 ans, et qu'il fasse la connaissance de Rhiannon, sa petite amie. Dès lors, plus question de subir sans intervenir. Car A vient de croiser quelqu'un qu'il ne peut laisser derrière lui, ce jour-là, le suivant, jour après jour….
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