FERIOJ ( journal culturel )

Onze minutes

Lundi 25 mars 2013 à 19:27

 
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 L'histoire d'une jeune et jolie Brésilienne, Maria,  qui attend "comme tout le monde" (sentez-vous mon agacement ?) la venue d’un prince charmant qui viendrait la demander en mariage et lui assurer une vie confortable  ; mais comme elle n’est pas si naïve que ça (ah bon) et qu’elle sait malgré tout que l’amour fait en général souffrir sans qu’aucun résultat positif à long terme s’ensuive (on est d’accord), elle ne veut plus tomber amoureuse et veut partir à l’aventure (problème, on sait bien que ceux/celles qui disent de manière catégorique « je ne tomberai PLUS JAMAIS amoureux/se ! » sont souvent les déçu(e)s qui en réalité espèrent désespérément que ça se reproduise, sans oser se l’avouer). 
 
Elle suit donc le premier venu en Suisse et finit par se prostituer. Pendant longtemps je n’ai pas trop su sur quel pied danser avec elle, je me demandais ce qu’elle avait vraiment en tête, si elle est aussi cruche qu'elle en a l'air au début, quand elle commence à se prostituer, la façon dont elle se l’explique nous fait penser que c’est une étrange façon pour elle d’être indépendante… mais on sent bien qu’elle se raconte toujours des histoires, l’auteur fait en sorte que ça fasse « joli » (quand on a des extraits de son journal intime notamment) pour nous émouvoir et pour qu’on ait l’impression qu’il apporte un point de vue novateur sur ces questions (l’amour, le sexe, la prostitution tout ça)… mais il est difficile d’être dupe et de le prendre au sérieux tant il noie son discours dans du blabla mielleux lyrique à deux balles (qui peut fonctionner sur le coup, mais en relisant la phrase on se dit « ouais mais non, c'est trop »). Les seuls passages où il est question de sexe de manière explicite (description d’actes sexuels je veux dire) sont ceux où l’héroïne est amoureuse ou du moins désire son partenaire ; ça m’a semblé un peu étrange et contradictoire que le sexe qu’elle pratique en tant que prostituée soit tellement « nié ». 
 
Cela se lit très vite, c’est quand même assez prenant pour être lu d’une traite, et je dis ça alors que ça fait bien des mois qu’il ne m’est pas arrivé de lire un livre d’une traite ; ou peut-être que c’était aussi parce que, étant exaspérée par la personnalité de l’héroïne, j’avais hâte de savoir où l’auteur voulait en venir pour qu’au moins ça soit « vite fini ». Et sans réelle surprise, la fin (et plus largement la dernière partie du livre) est niaise comme pas possible, tout ce que l’héroïne a pu vivre de difficile et tout ce qui pouvait nous faire nous interroger  est passé à la trappe à quand on retombe dans une intrigue de romance super-classique. Les raisons pour lesquelles elle commence, puis continue à se prostituer sont floues, vu qu’elle-même ne semble pas vraiment réussir à se l’expliquer, or c’était surtout cet aspect qui m’intéressait dans le roman dès lors que j’ai décidé de le lire en apprenant son thème (et surtout, je voulais donner une dernière chance à l’auteur dont j’avais déjà lu l’Alchimiste et Veronika décide de mourir, deux romans qui ne m’ont pas laissé de souvenir impérissable même si j’avais pas mal aimé le début du deuxième)
 
A lire ma critique on pourrait se dire que j’ai vraiment détesté cet ouvrage. Ce n’est pourtant pas le cas, tout n’est pas à jeter, il y a pas mal de passages qui ont éveillé mon attention, tout ce qui concerne le détachement entre le sexe et l’amour, le corps et l’esprit, il y a des phrases pas trop mal… mais l’auteur bousille tout ce qu’il fait de bien en exagérant toujours, en rajoutant trois couches de cuculisme partout qui font qu’on retombe systématiquement dans des clichés, et se tire une balle de pied avec son happy end qui équivaut à une conclusion moralisatrice écoeurante du type « en fait le sexe ça doit être l’union de deux âmes, tout le reste c’est pas bien, le but de votre vie doit être de trouver l’Amour », après bien des aventures, la prostituée tombe amoureuse du bon type et rentre dans le droit chemin (pffff) sans que tout ce qui a pu être intéressant dans son parcours soit vraiment exploité à mon goût. 
 
C’est assez dommage, et je crains que quelque soit le sujet qu’il aborde, Paulo Coelho en revienne au même exposé de sa vision de la vie un peu mystique et éthérée, forcément liée à la recherche du bonheur, lui-même forcément lié à la recherche de l’ « amour parfait » ou quelque chose du genre, en tout cas un truc positif absolu auquel je ne crois pas du tout… peut-être que cette vision qu’il cherche à propager correspond à ce que son lectorat attend de lui puisqu’ils veulent des livres qui les fassent « rêver » - cf le prologue où il est justement question des attentes de son lectorat, et où il les prévient que ce livre-ci est un peu différent… mais vu sa fin je ne vois pas en quoi il est différent. Je pense avoir donc un peu cerné le « cas Coelho », et si ses livres peuvent être distrayants, ce n’est pas vraiment ce que je recherche, ça me semble un peu trop naïf et creux tout ça. 
 
Extrait, page 94 : (un extrait qui m’a plutôt plu, puisque l’héroïne s’interroge le lien entre son âme et son corps quand elle pratique son métier, et sur les raisons pour lesquelles elle le pratique. Mais à l’image du livre, la conclusion de ce passage me déçoit)

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« Je ne suis pas un corps qui abrite une âme, je suis une âme qui a une partie visible appelée « corps ». Pendant tous ces jours, contrairement à ce que j’aurais pu imaginer, cette âme a été très présente. Elle ne me disait rien, ne me critiquait pas, n’avait pas pitié de moi : simplement, elle m’observait.

Aujourd’hui, j’ai compris pourquoi : cela fait très longtemps que je ne pense plus à l’amour. On dirait qu’il me fuit, comme si je ne comptais plus, comme s’il ne se sentait plus le bienvenu. Pourtant, si je ne pense pas à l’amour, je ne serai rien. 
Quand je suis retournée au Copacabana, le deuxième jour, on me regardait déjà avec plus de respect – d’après ce que j’ai compris, de nombreuses gamines se présentent pour un soir et ne reviennent jamais. Celle qui va plus loin devient une sorte d’alliée, de compagne, parce qu’elle peut comprendre les difficultés et les raisons – ou plutôt, l’absence de raisons – qui font que l’on a choisi ce genre de vie.

Elles rêvent toutes d’un être qui découvrirait en elles une vraie femme, une compagne sensuelle, une amie. Mais toutes savent, dès la première minute d’une nouvelle rencontre, que rien de tout cela ne va se produire.

Je dois écrire sur l’amour. Je dois penser, penser, écrire et écrire sur l’amour – ou bien mon âme ne le supportera pas. »


P.S. : le titre Onze minutes est censé faire référence à la durée moyenne d'un rapport sexuel. (durée moyenne qui n'est pas une donnée scientifique mais est "choisie" par l'auteur qui se réfère à un livre fictif sur le sexe intitulé Sept minutes, et à ce propos il écrit dans une note à la fin du roman : "je trouve Wallace bien réducteur quant à cette durée, que j'ai décidé d'allonger")

Cachez ce "sein" que je ne saurais voir.

Mercredi 13 mars 2013 à 13:51

 Ma mère qui travaille en garderie m'a raconté qu'une petite fille lui a montré la brassière Hello Kitty qu'elle portait sous sa robe, en lui expliquant "c'est pour cacher mes titis comme ma maman". Âge de la petite ? 3 ans.



Dégoûtée de ce monde où l'on enseigne aux petites filles dès leur plus jeune âge qu'une femme doit cacher sa poitrine pour être "décente"...  alors que le torse d'un homme ne pose pas de problème.

(pour illustrer mon agacement, je vous propose ce post issu de tumblr :)

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0yster:

So why is one considered ‘inappropriate’ and the other accepted? Stop sexualising my body. 

I wonder this too. Why is it a man’s breast and nipple are okay to show but a woman’s breast and nipple isn’t.

Films vus, semaine n°10

Mardi 12 mars 2013 à 11:05

 10 films vus, aucun ciné mais quelques belles découvertes

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Films vus, semaine n°9

Mardi 12 mars 2013 à 10:30

11 films vus dont 2 ciné (et dont 2 revus)

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Dans le numéro de mars du magazine Marie-Claire, on trouve un dossier « À vos talons, citoyens ! » (dont on a un aperçu
 )  où 8 hommes connus posent en escarpins rouges pour défendre le féminisme. Si défendre le féminisme est bien, le défendre en talons me laisse sceptique, réduire une femme à ses talons me semble assez douteux, parce que ça revient à dire quoi, que les femmes sans talons hauts ne seraient pas des "vraies" femmes ? (concernant ce dossier, je suis donc plutôt d'accord avec cet article)
 
Au-delà de mon agacement suscité par cette manière de fêter la journée internationale des droits des femmes, ce qui a attiré mon attention, c'est la phrase (censée résumer son avis sur le sujet) accompagnant la photo d'un des types en question, Xavier Desmoulins (présentateur sur M6 du 19.45 et de l'émission 66 minutes inside) : "Moi, femme ? Je serais une caillera féministe." Ce qui me gêne, c'est l'association de "caillera" et "féministe". Qu'est-ce que ça signifie ? Que les féministes sont des caillera ? A-t-il voulu dire par là que dans la société patriarcale où nous vivons, être féministe est subversif et qu'on est donc aussitôt assimilé à une caillera si on refuse de jouer le jeu social qu'on attend de nous dès lors qu'on possède un vagin ?! Je suis féministe et non, je ne suis pas une caillera, et si vous pensez que je suis une caillera parce que je défends l'égalité des droits entre les individus, c'est vous qui avez un problème, ok ?
 
Comme vous le voyez, cette phrase m'a énervée, mais je me suis dit "bon, je n'ai pas encore lu l'article d'où est issu cette phrase, peut-être que Marie-Claire a déformé son propos en voulant proposant une phrase-choc pour accompagner sa photo, je vais voir ça de plus près." Mais lire le (court) texte dans le magazine qui reprend les propos de Xavier Desmoulins sur la question ne m'a pas vraiment aidée à me calmer. Il y dit en effet (extrait) : "Les femmes doivent dégager une grande force pour lutter. Pas le choix. Et comme je l'ai vu récemment dans un documentaire, je ne laisserai pas les hommes me parler outrageusement dans la rue. Je serais une caillera en talons."
 
"Je ne laisserai pas les hommes me parler outrageusement dans la rue".  Tu parles Charles. J'interprète cette phrase comme cela : "Moi, qui suis un homme, eh bien je vous assure que si j'étais une femme, je ne me laisserais pas faire comme certaines d'entre vous le faites." N'est-ce pas une manière indirecte de culpabiliser les femmes qui n'osent pas répliquer quand on les agresse verbalement dans la rue ? (Alors que si on ne réplique pas forcément, ça peut être par peur que l'agression verbale tourne à l'agression physique si on tente de se défendre, cette peur me semble assez compréhensible). Qu'est-ce qu'il en sait, de ce qu'il ferait dans cette situation s'il avait été une femme, càd si on lui avait enseigné dès sa plus tendre enfance que les femmes ne doivent pas se battre et qu'elles doivent plutôt être douces, modérées, polies, "parce qu'une femme doit être ainsi ?" Cela me rappelle un passage de King Kong Théorie de Virginie Despentes, à propos du viol et des films "rape-and-revenge" réalisés par des hommes : 
 
"On n'entend jamais parler dans les faits divers de filles, seules ou en bandes, qui arrachent les bites des agresseurs pour leur faire la peau, ou leur mettre une trempe. ça n'existe, pour l'instant, que dans les films réalisés par des hommes. La dernière maison sur la gauche, de Wes Craven, L'ange de la vengeance, de Ferrara, I spit on your grave, de Meir Zarchi, par exemple. Les trois films commencent par des viols plus ou moins ignobles (plutôt plus que moins, d'ailleurs). Et détaillent dans une deuxième partie les vengeances ultra-sanglantes que les femmes infligent à leurs agresseurs.Quand des hommes mettent en scène des personnages de femmes, c'est rarement dans le but d'essayer de comprendre ce qu'elles vivent et ressentent en tant que femmes. C'est plutôt une façon de mettre de mettre en scène leur sensibilité d'homme, dans un corps de femme. (...) Dans ces trois films, on voit donc comment les hommes réagiraient, à la place des femmes, face au viol. Bain de sang, d'une impitoyable violence. Le message qu'ils nous font passer est clair : comment ça se fait que vous ne vous défendez pas plus brutalement ? Ce qui est étonnant, effectivement, c'est qu'on ne réagisse pas comme ça. Une entreprise politique ancestrale, implacable, implacable, apprend aux femmes à ne pas se défendre.Comme d'habitude, double contrainte : nous faire savoir qu'il n'y a rien de plus grave, et même temps, qu'on ne doit ni se défendre, ni se venger. Souffrir, et ne rien pouvoir faire d'autre. C'est Damoclès entre les cuisses."
 
Non, être féministe ne nous transforme pas en caillera, qu'est-ce que ça voudrait dire cette connerie ?? Que toute femme qui lutterait contre le machisme ambiant doit s'attendre logiquement à être traitée de caillera ?!
Et non, ne pas oser répliquer face à des remarques sexistes dans la rue (ou se défendre face à un viol) n'est pas une attitude de faiblesse qui signifie que quelque part "on l'a bien mérité". 

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(source : spermufle)
 
(si vous pensez que j'exagère et/ou que j'ai mal compris ce que Xavier Desmoulins a voulu dire, je vous écoute, expliquez-moi donc. Je ne sais pas si je suis très claire avec cet article, mais il fallait que ça sorte). 

PS : puis parmi toutes les choses qui m'agacent dans cette campagne (j'ai pas développé) j'ai oublié aussi de mentionner la plus évidente : quand Xavier Desmoulins dit "Moi femme ? Je serais une caillera féministe", ça veut dire qu'en tant qu'homme actuellement il ne se considère pas féministe ? C'est quoi le délire de participer à une campagne soit-disant anti-sexiste sans même se dire féministe au départ, WTF ? (faut-il vraiment rappeler que le féminisme n'est rien de plus que de souhaiter l'égalité entre les hommes et les femmes et que par conséquent on peut espérer que tout le monde est - devrait ? - être potentiellement féministe ?)

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