· Edvard Munch, film réalisé par Peter Watkins (1973, 3h30)
J’ai décrété lors de ma visite de l’exposition au centre Pompidou « Edvard Munch, un œil moderne » (et même avant, mais l’exposition me l’a confirmé) qu’il était mon peintre préféré, mais je continue de toujours connaître assez peu son œuvre, et quasiment pas sa vie (quand je lis des choses la concernant, j’ai tendance à l’oublier aussitôt). Ce film de 3h20 est donc très instructif de ce point de vue, même s’il ne couvre pas toute la vie de Munch. C’est vraiment un film « bizarre » dans lequel il faut entrer pour réussir à l’apprécier je pense ; le rythme m’a déconcertée pendant un certain temps, en effet des images issues de certaines scènes importantes sont répétées indéfiniment et s’intercalent au beau milieu de scènes qui n’ont rien à voir.
Par ce procédé, elles hantent le film d’une certaine façon, comme on comprend qu’elles ont pesé sur la vie et les pensées du héros – comme c’est une façon très subjective de montrer les choses, on ne peut dire de façon certaine que Munch a vraiment vécu les choses ainsi, ce n’est qu’une interprétation du réalisateur, combinée à celle qu’on fait de ces images, qui donne l’impression générale de baigner dans un environnement très particulier, à la fois familial, géographique et historique, et mental : on est immergé dans la famille de Munch, on passe avec lui des soirées avec ses amis intellectuels et artistes de l’époque, on assiste à ses rendez-vous galants, on est derrière lui et voit des détails en gros plan de ce qu’il peint (moment très étrange et agréable quand on voit naître sous nos yeux la première version de l’Enfant malade, tableau que j’ai vu en vrai et qui m’avait beaucoup touchée).
On a des témoignages « face à la caméra » d’un grand nombre de personnage, une voix-off qui encadre le tout… tout en baignant dans la façon de voir des choses que devait avoir Munch, on a aussi des points de vue multiples, ça a été notamment assez dur d’être confronté à toutes les critiques négatives que son travail a reçu ! (ça m’a paru incroyable surtout !).
C’est donc de manière à la fois directe (on est plongé à l’excès dans ce qui l’a touché le plus) et détournée qu’on a accès au personnage : lui-même parle assez peu. L’acteur qui l’incarne est terriblement charismatique !!! (et sachez que je suis très difficile) son air absent, malade font assez froid dans le dos, donnent envie de s’approcher, d’en savoir plus, et correspondent assez à l’image que je me fais de l’œuvre de Munch. A cause des différents procédés cinématographiques employés, de la narration disloquée, du choix des acteurs et des évènements relatés, on a comme un réelle correspondance entre le fond du film – Munch – et sa forme qui a elle-même quelque chose de très « munchien ». Un biopic super-riche et réussi donc qui donne envie d’en savoir plus, de le revoir en connaissant mieux tous les tableaux évoqués, d’en savoir plus sur le contexte culturel de ces années (on voit pas mal Strindberg par exemple, et je ne le connais encore que de nom…).