Dans le numéro de mars du magazine Marie-Claire, on trouve un dossier « À vos talons, citoyens ! » (dont on a un aperçu là) où 8 hommes connus posent en escarpins rouges pour défendre le féminisme. Si défendre le féminisme est bien, le défendre en talons me laisse sceptique, réduire une femme à ses talons me semble assez douteux, parce que ça revient à dire quoi, que les femmes sans talons hauts ne seraient pas des "vraies" femmes ? (concernant ce dossier, je suis donc plutôt d'accord avec cet article)
Au-delà de mon agacement suscité par cette manière de fêter la journée internationale des droits des femmes, ce qui a attiré mon attention, c'est la phrase (censée résumer son avis sur le sujet) accompagnant la photo d'un des types en question, Xavier Desmoulins (présentateur sur M6 du 19.45 et de l'émission 66 minutes inside) : "Moi, femme ? Je serais une caillera féministe." Ce qui me gêne, c'est l'association de "caillera" et "féministe". Qu'est-ce que ça signifie ? Que les féministes sont des caillera ? A-t-il voulu dire par là que dans la société patriarcale où nous vivons, être féministe est subversif et qu'on est donc aussitôt assimilé à une caillera si on refuse de jouer le jeu social qu'on attend de nous dès lors qu'on possède un vagin ?! Je suis féministe et non, je ne suis pas une caillera, et si vous pensez que je suis une caillera parce que je défends l'égalité des droits entre les individus, c'est vous qui avez un problème, ok ?
Comme vous le voyez, cette phrase m'a énervée, mais je me suis dit "bon, je n'ai pas encore lu l'article d'où est issu cette phrase, peut-être que Marie-Claire a déformé son propos en voulant proposant une phrase-choc pour accompagner sa photo, je vais voir ça de plus près." Mais lire le (court) texte dans le magazine qui reprend les propos de Xavier Desmoulins sur la question ne m'a pas vraiment aidée à me calmer. Il y dit en effet (extrait) : "Les femmes doivent dégager une grande force pour lutter. Pas le choix. Et comme je l'ai vu récemment dans un documentaire, je ne laisserai pas les hommes me parler outrageusement dans la rue. Je serais une caillera en talons."
"Je ne laisserai pas les hommes me parler outrageusement dans la rue". Tu parles Charles. J'interprète cette phrase comme cela : "Moi, qui suis un homme, eh bien je vous assure que si j'étais une femme, je ne me laisserais pas faire comme certaines d'entre vous le faites." N'est-ce pas une manière indirecte de culpabiliser les femmes qui n'osent pas répliquer quand on les agresse verbalement dans la rue ? (Alors que si on ne réplique pas forcément, ça peut être par peur que l'agression verbale tourne à l'agression physique si on tente de se défendre, cette peur me semble assez compréhensible). Qu'est-ce qu'il en sait, de ce qu'il ferait dans cette situation s'il avait été une femme, càd si on lui avait enseigné dès sa plus tendre enfance que les femmes ne doivent pas se battre et qu'elles doivent plutôt être douces, modérées, polies, "parce qu'une femme doit être ainsi ?" Cela me rappelle un passage de King Kong Théorie de Virginie Despentes, à propos du viol et des films "rape-and-revenge" réalisés par des hommes :
"On n'entend jamais parler dans les faits divers de filles, seules ou en bandes, qui arrachent les bites des agresseurs pour leur faire la peau, ou leur mettre une trempe. ça n'existe, pour l'instant, que dans les films réalisés par des hommes. La dernière maison sur la gauche, de Wes Craven, L'ange de la vengeance, de Ferrara, I spit on your grave, de Meir Zarchi, par exemple. Les trois films commencent par des viols plus ou moins ignobles (plutôt plus que moins, d'ailleurs). Et détaillent dans une deuxième partie les vengeances ultra-sanglantes que les femmes infligent à leurs agresseurs.Quand des hommes mettent en scène des personnages de femmes, c'est rarement dans le but d'essayer de comprendre ce qu'elles vivent et ressentent en tant que femmes. C'est plutôt une façon de mettre de mettre en scène leur sensibilité d'homme, dans un corps de femme. (...) Dans ces trois films, on voit donc comment les hommes réagiraient, à la place des femmes, face au viol. Bain de sang, d'une impitoyable violence. Le message qu'ils nous font passer est clair : comment ça se fait que vous ne vous défendez pas plus brutalement ? Ce qui est étonnant, effectivement, c'est qu'on ne réagisse pas comme ça. Une entreprise politique ancestrale, implacable, implacable, apprend aux femmes à ne pas se défendre.Comme d'habitude, double contrainte : nous faire savoir qu'il n'y a rien de plus grave, et même temps, qu'on ne doit ni se défendre, ni se venger. Souffrir, et ne rien pouvoir faire d'autre. C'est Damoclès entre les cuisses."
Non, être féministe ne nous transforme pas en caillera, qu'est-ce que ça voudrait dire cette connerie ?? Que toute femme qui lutterait contre le machisme ambiant doit s'attendre logiquement à être traitée de caillera ?!
Et non, ne pas oser répliquer face à des remarques sexistes dans la rue (ou se défendre face à un viol) n'est pas une attitude de faiblesse qui signifie que quelque part "on l'a bien mérité".
(source : spermufle)
(si vous pensez que j'exagère et/ou que j'ai mal compris ce que Xavier Desmoulins a voulu dire, je vous écoute, expliquez-moi donc. Je ne sais pas si je suis très claire avec cet article, mais il fallait que ça sorte).
PS : puis parmi toutes les choses qui m'agacent dans cette campagne (j'ai pas développé) j'ai oublié aussi de mentionner la plus évidente : quand Xavier Desmoulins dit "Moi femme ? Je serais une caillera féministe", ça veut dire qu'en tant qu'homme actuellement il ne se considère pas féministe ? C'est quoi le délire de participer à une campagne soit-disant anti-sexiste sans même se dire féministe au départ, WTF ? (faut-il vraiment rappeler que le féminisme n'est rien de plus que de souhaiter l'égalité entre les hommes et les femmes et que par conséquent on peut espérer que tout le monde est - devrait ? - être potentiellement féministe ?)
PS : puis parmi toutes les choses qui m'agacent dans cette campagne (j'ai pas développé) j'ai oublié aussi de mentionner la plus évidente : quand Xavier Desmoulins dit "Moi femme ? Je serais une caillera féministe", ça veut dire qu'en tant qu'homme actuellement il ne se considère pas féministe ? C'est quoi le délire de participer à une campagne soit-disant anti-sexiste sans même se dire féministe au départ, WTF ? (faut-il vraiment rappeler que le féminisme n'est rien de plus que de souhaiter l'égalité entre les hommes et les femmes et que par conséquent on peut espérer que tout le monde est - devrait ? - être potentiellement féministe ?)
Encore une fois, cette aura patriarcale qui plane sans cesse au dessus de nous refait surface, et en tapotant gentiment sur la tête de la femme on lui dit "regarde, pour ta journée, je me ridiculise et me rabaisse exceptionnellement en faisant un truc totalement contre nature qui revient à se travestir, je mets tes talons, chérie!".
Non vraiment, ça chie. L'homme cultive profondément cette culpabilité, comme tu le dis, chez la femme parce qu'après tout, ce pauvre petit être sans défense ou hystérique ne peut survivre qu'en allant se réfugier dans les bras du sexe fort pour se protéger. Beurk.