Expiation, de Ian McEwan
Dans la première partie du roman où l’on suit les pensées de Briony, écrivain en herbe. Son état d’esprit curieux et créatif donne envie de l’imiter, d’observer tout autour de nous et d’écrire. Ses prétentions ne peuvent tout à fait être prises au sérieux mais sont plutôt amusantes, sa naïveté est sensible, notamment dans le regard qu’elle porte sur les évènements dont elle est le témoin subjectif – différentes étapes d’une séduction adolescente, et enfin un drame qu’elle interprètera à sa façon ; la force du roman est de ne pas nous limiter à son point de vue, on aura ensuite en effet droit d’immiscer les pensées (sans jamais passer par la première personne du singulier, c’est pourquoi les variations de points de vue sont toujours faites de manière subtile, tout en étant de claires) de sa mère, et surtout de sa sœur Cécilia, dont la personnalité m’a beaucoup plu, plus mature que sa petite sœur, elle n’a cependant pas encore d’expérience et j’ai trouvé très intéressante la manière dont est traité son tiraillement entre son attirance et sa méfiance à l’égard de Robbie – et vis-à-vis d’elle-même. J’ai vraiment adoré toute la première partie, l’immersion du lecteur dans le monde des protagonistes est très réussie, tout comme la montée du drame jusqu’à son explosion !
La suite m’a beaucoup déçue. La seconde partie est centrée sur Robbie, au début de la seconde guerre mondiale, pendant la retraite des troupes anglaise vers Dunkerque. Bien que pouvant avoir un intérêt en soi, cette chronique de guerre m’a paru complètement déplacée après la première partie, c’est comme si tous les enjeux posés en première partie étaient subitement niés et que l’auteur partaient dans une direction complètement différente en délaissant toutes les fondations prometteuses du début ! J’ai même sauté des pages.
La partie suivante se passe aussi pendant la guerre mais revient sur Briony, qui est à présent apprentie infirmière. J’ai mieux aimé cette partie, pour le plaisir de retrouver sa personnalité (même si, vu les précédents évènements, on peut avoir un jugement très mitigé sur ce personnage désormais) et car il s’agit d’un témoignage assez prenant sur la manière dont elle a vécu ses débuts d’infirmière, confrontée à une vie rude de discipline et à l’horreur de la guerre par l’intermédiaire des blessées qu’elle est souvent impuissante à soulager.
Enfin, on semble de rattacher à la première partie et à l’aventure au cœur du roman quand Briony retrouve Cecilia et Robbie, mais ces retrouvailles terribles ne m’ont pas transportée autant que je l’espérais… enfin l’épilogue dans lequel la romancière revient sur son récit et nous parle de son présent (personnage aussi fictif) m’a paru bien trop long et achève de nous casser le rythme et de nous couper de ce qui m’avait vraiment accrochée au début du roman et que j’aurais aimé voir « mieux » exploité. Le début de ce roman, excellent à mes yeux, m’a fait penser que ce livre serait un énorme coup de cœur, hélas cela ne tient pas sur la longueur, je ressens ça quasiment comme un gâchis, mais tâcherai de garder en mémoire ce que j’ai préféré, à savoir la transcription sonnant très juste des pensées des deux héroïnes adolescentes et cet enchaînement féroce de détails et de jugements hâtifs et peu renseignés qui a eu des conséquences catastrophiques (ou comment l’innocence et les bonnes intentions peuvent paradoxalement mener au crime).