Un court essai philosophique qui défend de manière béate et peu documentée la révolution numérique et ses conséquences sur nos sociétés. C'est bien gentil mais je n'ai pas du tout aimé !
Quatrième de couverture :
Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.
De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise «Petite Poucette» - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...
Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible.
A l'origine de ce livre, un discours prononcé à l'Académie française en 2011, qui a été très largement diffusé, tout d'abord par la publication d'un extrait le lendemain dans «Le Monde», repris par un article dans «Le Figaro» puis d'un grand mouvement sur Internet...
Professeur à Stanford University, membre de l'Académie française, Michel Serres est l'auteur de nombreux essais philosophiques et d'histoire des sciences, dont les derniers. Temps des crises et Musique ont été largement salués par la presse. Il est l'un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture.
Mon avis : ok, LE MONDE A CHANGE. Il serait fou de le nier. Nos manières de penser, de communiquer, d'apprendre, d'appréhender les connaissances, d'agir, de travailler,... ont été révolutionnées par les nouvelles technologies, au sens large du terme (pas uniquement les téléphones portables). Mais Michel Serres semble partir du postulat (même si ça n'est jamais vraiment explicite) que la posture dominante (= celle des adultes qui critiquent leurs enfants et ados, en fait) consiste à vouloir rejeter ces révolutions. Et il se place donc en réaction contre ces réticences, propose d'être plus ouvert, dit qu'on devrait tirer profit de tous ces changements... hmm. C'est bien joli mais je n'ai pas trouvé cet essai "innovant" au final, ni subtil, et je pense même que le regard de Michel Serres sur la génération Y est très naïf ! A force d'admirer tout ce que ces progrès peuvent impliquer dans notre relation au monde et aux autres, il s'envole tout seul vers une utopie peu crédible (mais peut-être qu'une utopie manque par définition de crédibilité ?). Comme si l'être humain avait assez de bonté et de jugeote en lui pour savoir faire un bon usage de tous ces nouveaux outils... mon oeil.
Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.
De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise «Petite Poucette» - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...
Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible.
A l'origine de ce livre, un discours prononcé à l'Académie française en 2011, qui a été très largement diffusé, tout d'abord par la publication d'un extrait le lendemain dans «Le Monde», repris par un article dans «Le Figaro» puis d'un grand mouvement sur Internet...
Professeur à Stanford University, membre de l'Académie française, Michel Serres est l'auteur de nombreux essais philosophiques et d'histoire des sciences, dont les derniers. Temps des crises et Musique ont été largement salués par la presse. Il est l'un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture.
Mon avis : ok, LE MONDE A CHANGE. Il serait fou de le nier. Nos manières de penser, de communiquer, d'apprendre, d'appréhender les connaissances, d'agir, de travailler,... ont été révolutionnées par les nouvelles technologies, au sens large du terme (pas uniquement les téléphones portables). Mais Michel Serres semble partir du postulat (même si ça n'est jamais vraiment explicite) que la posture dominante (= celle des adultes qui critiquent leurs enfants et ados, en fait) consiste à vouloir rejeter ces révolutions. Et il se place donc en réaction contre ces réticences, propose d'être plus ouvert, dit qu'on devrait tirer profit de tous ces changements... hmm. C'est bien joli mais je n'ai pas trouvé cet essai "innovant" au final, ni subtil, et je pense même que le regard de Michel Serres sur la génération Y est très naïf ! A force d'admirer tout ce que ces progrès peuvent impliquer dans notre relation au monde et aux autres, il s'envole tout seul vers une utopie peu crédible (mais peut-être qu'une utopie manque par définition de crédibilité ?). Comme si l'être humain avait assez de bonté et de jugeote en lui pour savoir faire un bon usage de tous ces nouveaux outils... mon oeil.
C'est frappant par exemple vers la fin quand il fait l'éloge - il ne fait que ça d'ailleurs, son discours se structure en une suite d'"éloges"... - des modes d'appartenance et de rencontres virtuelles qui font selon lui peu à peu disparaître les groupes et institutions traditionnels tels que l'armée, les églises, la famille etc. Et son raisonnement, si je le schématise, revient à dire "vive les relations virtuelles ! en étant moins incarnées, elles sont moins violentes !". Comme si la virtualité gommait les précédents problèmes et n'en soulevait pas d'autres !? Il reste toujours très vague, il fait allusion aux "réseaux sociaux" par exemple mais très rapidement et sans citer facebook, ni twitter, sans aucun exemple concret derrière... à force d'être abstrait il nous perd, on a l'impression qu'il finit par pérorer sans savoir réellement de quoi il parle. Pas une fois il ne fait référence par exemple aux problèmes paradoxaux (et pourtant logiques, si on y réfléchit deux minutes) de solitude et d'individualisme liées à facebook et compagnie... et que penser quand il surrestime à mort le contenu des blogs et de manière générale la qualité des données qu'on peut glaner sur le net, n'hésitant pas à nous sortir un risible et grossier "combien d'oncologues avouent avoir plus appris sur les blogs des femmes atteintes d'un cancer du sein que dans leurs années de faculté ?". Euh, pas beaucoup j'espère, sinon je plains les femmes atteintes de cancer du sein, si leurs médecins comptent sur leurs blogs de patientes pour apprendre à les soigner... ! et le livre regorge de trucs aberrants comme ça.
Je n'ai pas non plus trouvé l'écriture adaptée au propos. Il y a clairement un gros effort de style, mais là encore je trouve qu'il en fait beaucoup trop : au lieu d'être clair et de donner des exemples, il se laisse aller et abuse de tournures pompeuses, soutenues voire désuètes (la répétition de l'expression "jadis et naguère" m'a vite agacée !). J'ai surtout senti derrière ce ton une tentative de séduire un lectorat érudit / snob / d'un certain âge, une sorte de double de l'auteur - que l'auteur juge utile d'éclairer grâce à cet ouvrage de sa sainte lumière pro-modernité (je caricature à peine !). Et le choix d'un tel style donne également lieu à des raccourcis / comparaisons outrées qui se veulent sûrement poétiques mais n'ont en réalité pas grand sens, comme ce parallèle qui est fait entre la tour Babel et la tour Eiffel, mais franchement quel intérêt ?!
Ou encore cette délicieuse phrase, page 62 :
"Un pays comme la France devint vite une ville que le TGV parcourt comme un métro, que les autoroutes traversent comme des rues". Pour sortir de telles âneries, je suppose que Monsieur Serres n'a pas dû beaucoup sortir de Paris pour essayer de voyager à travers la province en utilisant les transports en commun, sinon il se serait probablement aperçu que cela n'est pas aussi facile que ça !! Cet exemple qui n'est qu'un minuscule détail illustre l'état d'esprit qui semble être celui de l'auteur, et qui m'a de plus en plus énervée au fil des pages : on dirait un doux rêveur, peu en prise avec la réalité. Mais peut-être suis-je trop jeune pour m'émerveiller de tous ces progrès qu'il évoque de loin (je ne sais pas comment c'était "avant" hum), et trop vieille pour m'identifier complètement à cette "Petite Poucette", citoyenne digital native qui va dominer le monde à l'aide de ses petits doigts tapotant un écran tactile...
Me fait penser aussi à cette phrase qui m'a fait bondir (promis après j'arrête de descendre ce bouquin) : "Ledit renversement touche aussi bien les sexes, puisque ces dernières décennies virent la victoire des femmes, plus travailleuses et sérieuses à l'école, à l'hôpital, dans l'entreprise... que les mâles dominants, arrogants et faiblards. Voilà pourquoi ce livre titre : Petite Poucette." Ainsi donc, le "féminisme" selon Michel Serres consiste à renforcer le mythe des "filles naturellement meilleures à l'école" (il semble s'en réjouir sans se demander d'où vient le problème ! - et j'ose espérer que son expression "mâles dominants" se veut ironique... mais je trouve ça peu clair !) et de parler de "victoire" des femmes, comme si le sexisme n'existait plus en France... HUM ! Plus j'y repense, plus ce livre me semble prétentieux et vain, en fait. A vouloir faire court et grand public, il s'enlise dans des bons sentiments manichéens, et tombe carrément à côté de la plaque.