L'histoire d'une
jeune et jolie Brésilienne, Maria, qui attend "comme tout le monde" (sentez-vous mon agacement ?) la venue d’un prince charmant qui viendrait la demander en mariage et lui assurer une vie confortable ; mais comme elle n’est pas si naïve que ça (ah bon) et qu’elle sait malgré tout que l’amour fait en général souffrir sans qu’aucun résultat positif à long terme s’ensuive (on est d’accord), elle ne veut plus tomber amoureuse et veut partir à l’aventure (problème, on sait bien que ceux/celles qui disent de manière catégorique « je ne tomberai PLUS JAMAIS amoureux/se ! » sont souvent les déçu(e)s qui en réalité espèrent désespérément que ça se reproduise, sans oser se l’avouer).
Elle suit donc le premier venu en Suisse et finit par se prostituer. Pendant longtemps je n’ai pas trop su sur quel pied danser avec elle, je me demandais ce qu’elle avait vraiment en tête, si elle est aussi cruche qu'elle en a l'air au début, quand elle commence à se prostituer, la façon dont elle se l’explique nous fait penser que c’est une étrange façon pour elle d’être indépendante… mais on sent bien qu’elle se raconte toujours des histoires, l’auteur fait en sorte que ça fasse « joli » (quand on a des extraits de son journal intime notamment) pour nous émouvoir et pour qu’on ait l’impression qu’il apporte un point de vue novateur sur ces questions (l’amour, le sexe, la prostitution tout ça)… mais il est difficile d’être dupe et de le prendre au sérieux tant il noie son discours dans du blabla mielleux lyrique à deux balles (qui peut fonctionner sur le coup, mais en relisant la phrase on se dit « ouais mais non, c'est trop »). Les seuls passages où il est question de sexe de manière explicite (description d’actes sexuels je veux dire) sont ceux où l’héroïne est amoureuse ou du moins désire son partenaire ; ça m’a semblé un peu étrange et contradictoire que le sexe qu’elle pratique en tant que prostituée soit tellement « nié ».
Cela se lit très vite, c’est quand même assez prenant pour être lu d’une traite, et je dis ça alors que ça fait bien des mois qu’il ne m’est pas arrivé de lire un livre d’une traite ; ou peut-être que c’était aussi parce que, étant exaspérée par la personnalité de l’héroïne, j’avais hâte de savoir où l’auteur voulait en venir pour qu’au moins ça soit « vite fini ». Et sans réelle surprise, la fin (et plus largement la dernière partie du livre) est niaise comme pas possible, tout ce que l’héroïne a pu vivre de difficile et tout ce qui pouvait nous faire nous interroger est passé à la trappe à quand on retombe dans une intrigue de romance super-classique. Les raisons pour lesquelles elle commence, puis continue à se prostituer sont floues, vu qu’elle-même ne semble pas vraiment réussir à se l’expliquer, or c’était surtout cet aspect qui m’intéressait dans le roman dès lors que j’ai décidé de le lire en apprenant son thème (et surtout, je voulais donner une dernière chance à l’auteur dont j’avais déjà lu l’Alchimiste et Veronika décide de mourir, deux romans qui ne m’ont pas laissé de souvenir impérissable même si j’avais pas mal aimé le début du deuxième)
A lire ma critique on pourrait se dire que j’ai vraiment détesté cet ouvrage. Ce n’est pourtant pas le cas, tout n’est pas à jeter, il y a pas mal de passages qui ont éveillé mon attention, tout ce qui concerne le détachement entre le sexe et l’amour, le corps et l’esprit, il y a des phrases pas trop mal… mais l’auteur bousille tout ce qu’il fait de bien en exagérant toujours, en rajoutant trois couches de cuculisme partout qui font qu’on retombe systématiquement dans des clichés, et se tire une balle de pied avec son happy end qui équivaut à une conclusion moralisatrice écoeurante du type « en fait le sexe ça doit être l’union de deux âmes, tout le reste c’est pas bien, le but de votre vie doit être de trouver l’Amour », après bien des aventures, la prostituée tombe amoureuse du bon type et rentre dans le droit chemin (pffff) sans que tout ce qui a pu être intéressant dans son parcours soit vraiment exploité à mon goût.
C’est assez dommage, et je crains que quelque soit le sujet qu’il aborde, Paulo Coelho en revienne au même exposé de sa vision de la vie un peu mystique et éthérée, forcément liée à la recherche du bonheur, lui-même forcément lié à la recherche de l’ « amour parfait » ou quelque chose du genre, en tout cas un truc positif absolu auquel je ne crois pas du tout… peut-être que cette vision qu’il cherche à propager correspond à ce que son lectorat attend de lui puisqu’ils veulent des livres qui les fassent « rêver » - cf le prologue où il est justement question des attentes de son lectorat, et où il les prévient que ce livre-ci est un peu différent… mais vu sa fin je ne vois pas en quoi il est différent. Je pense avoir donc un peu cerné le « cas Coelho », et si ses livres peuvent être distrayants, ce n’est pas vraiment ce que je recherche, ça me semble un peu trop naïf et creux tout ça.
Extrait, page 94 : (un extrait qui m’a plutôt plu, puisque l’héroïne s’interroge le lien entre son âme et son corps quand elle pratique son métier, et sur les raisons pour lesquelles elle le pratique. Mais à l’image du livre, la conclusion de ce passage me déçoit)
« Je ne suis pas un corps qui abrite une âme, je suis une âme qui a une partie visible appelée « corps ». Pendant tous ces jours, contrairement à ce que j’aurais pu imaginer, cette âme a été très présente. Elle ne me disait rien, ne me critiquait pas, n’avait pas pitié de moi : simplement, elle m’observait.
Aujourd’hui, j’ai compris pourquoi : cela fait très longtemps que je ne pense plus à l’amour. On dirait qu’il me fuit, comme si je ne comptais plus, comme s’il ne se sentait plus le bienvenu. Pourtant, si je ne pense pas à l’amour, je ne serai rien.
Quand je suis retournée au Copacabana, le deuxième jour, on me regardait déjà avec plus de respect – d’après ce que j’ai compris, de nombreuses gamines se présentent pour un soir et ne reviennent jamais. Celle qui va plus loin devient une sorte d’alliée, de compagne, parce qu’elle peut comprendre les difficultés et les raisons – ou plutôt, l’absence de raisons – qui font que l’on a choisi ce genre de vie.
Elles rêvent toutes d’un être qui découvrirait en elles une vraie femme, une compagne sensuelle, une amie. Mais toutes savent, dès la première minute d’une nouvelle rencontre, que rien de tout cela ne va se produire.
Je dois écrire sur l’amour. Je dois penser, penser, écrire et écrire sur l’amour – ou bien mon âme ne le supportera pas. »
P.S. : le titre Onze minutes est censé faire référence à la durée moyenne d'un rapport sexuel. (durée moyenne qui n'est pas une donnée scientifique mais est "choisie" par l'auteur qui se réfère à un livre fictif sur le sexe intitulé Sept minutes, et à ce propos il écrit dans une note à la fin du roman : "je trouve Wallace bien réducteur quant à cette durée, que j'ai décidé d'allonger")