FERIOJ ( journal culturel )

- Esprit d'hiver, de Véronique Ovaldé : cf ma chronique ici. déçue, moins bien que Rêves de garçons

- Petite Poucette, de Michel Serres : essai sur l'influence croissante du numérique et d'internet sur nos vies, déçue (parce qu'on me l'avait chaudement conseillé) et énervée, ma chronique ici 

- Fugitives, d'Alice Munro : un recueil de nouvelles, mon souvenir est très flou mais la nouvelle que je préfère est celle qu'on m'a recommandée en priorité, "Subterfuges", une femme va seule au théâtre, rencontre un homme, ils jurent de se revoir, mais... 

- Un coeur simple, de Flaubert : depuis le temps que je devais lire cette nouvelle ! eh bien, cela fait du bien de retrouver un style soigné comme celui de Flaubert (je ne lis plus guère de "classiques" depuis l'année dernière...) mais j'ai quand même été déçue, je m'attendais à un personnage encore plus fort

- Silo, de Hugh Howey : premier tome d'une trilogie de science-fiction, drôlement bien ! roman post-apocalyptique, la surface de la Terre est invivable alors depuis un grand nombre de générations (ils ne savent même plus ce qui s'est passé exactement) les êtres humains vivent sous terre, dans un silo d'environ 150 étages, au sein d'une société pleine de règles et de non-dits. Evidemment, tout est bouleversé quand des personnages vont remettre en question cet état des choses et chercher à comprendre le pourquoi du comment... la seule chose qui m'a dérangée dans ce roman (mais qui, après coup, peut aussi être considéré comme une qualité car ça le rend assez riche), c'est qu'on commence le récit en suivant un personnage qu'on pense donc être le héros... sauf que non, il disparaît et on s'attache alors complètement à un autre, mais qui ne va pas rester non plus forcément, et ça arrive plusieurs fois, donc pendant une grande partie du roman je me suis demandée où l'auteur voulait en venir ! cette originalité fait qu'on s'attache successivement à pas mal de personnages.

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Petite Poucette, Michel Serres

Samedi 4 janvier 2014 à 22:29

 Un court essai philosophique qui défend de manière béate et peu documentée la révolution numérique et ses conséquences sur nos sociétés. C'est bien gentil mais je n'ai pas du tout aimé !

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Quatrième de couverture : 
Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.
De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise «Petite Poucette» - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...

Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible.

A l'origine de ce livre, un discours prononcé à l'Académie française en 2011, qui a été très largement diffusé, tout d'abord par la publication d'un extrait le lendemain dans «Le Monde», repris par un article dans «Le Figaro» puis d'un grand mouvement sur Internet...

Professeur à Stanford University, membre de l'Académie française, Michel Serres est l'auteur de nombreux essais philosophiques et d'histoire des sciences, dont les derniers. Temps des crises et Musique ont été largement salués par la presse. Il est l'un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture.

Mon avis : ok, LE MONDE A CHANGE. Il serait fou de le nier. Nos manières de penser, de communiquer, d'apprendre, d'appréhender les connaissances, d'agir, de travailler,... ont été révolutionnées par les nouvelles technologies, au sens large du terme (pas uniquement les téléphones portables). Mais Michel Serres semble partir du postulat (même si ça n'est jamais vraiment explicite) que la posture dominante (= celle des adultes qui critiquent leurs enfants et ados, en fait) consiste à vouloir rejeter ces révolutions. Et il se place donc en réaction contre ces réticences, propose d'être plus ouvert, dit qu'on devrait tirer profit de tous ces changements... hmm.  C'est bien joli mais je n'ai pas trouvé cet essai "innovant" au final, ni subtil, et je pense même que le regard de Michel Serres sur la génération Y est très naïf ! A force d'admirer tout ce que ces progrès peuvent impliquer dans notre relation au monde et aux autres, il s'envole tout seul vers une utopie peu crédible (mais peut-être qu'une utopie manque par définition de crédibilité ?). Comme si l'être humain avait assez de bonté et de jugeote en lui pour savoir faire un bon usage de tous ces nouveaux outils... mon oeil. 

C'est frappant par exemple vers la fin quand il fait l'éloge - il ne fait que ça d'ailleurs, son discours se structure en une suite d'"éloges"... - des modes d'appartenance et de rencontres virtuelles qui font selon lui peu à peu disparaître les groupes et institutions traditionnels tels que l'armée, les églises, la famille etc. Et son raisonnement, si je le schématise, revient à dire "vive les relations virtuelles ! en étant moins incarnées, elles sont moins violentes !". Comme si la virtualité gommait les précédents problèmes et n'en soulevait pas d'autres !? Il reste toujours très vague, il fait allusion aux "réseaux sociaux" par exemple mais très rapidement et sans citer facebook, ni twitter, sans aucun exemple concret derrière... à force d'être abstrait il nous perd, on a l'impression qu'il finit par pérorer sans savoir réellement de quoi il parle. Pas une fois il ne fait référence par exemple aux problèmes paradoxaux (et pourtant logiques, si on y réfléchit deux minutes) de solitude et d'individualisme liées à facebook et compagnie... et que penser quand il surrestime à mort le contenu des blogs et de manière générale la qualité des données qu'on peut glaner sur le net, n'hésitant pas à nous sortir un risible et grossier "combien d'oncologues avouent avoir plus appris sur les blogs des femmes atteintes d'un cancer du sein que dans leurs années de faculté ?". Euh, pas beaucoup j'espère, sinon je plains les femmes atteintes de cancer du sein, si leurs médecins comptent sur leurs blogs de patientes pour apprendre à les soigner... ! et le livre regorge de trucs aberrants comme ça. 

Je n'ai pas non plus trouvé l'écriture adaptée au propos. Il y a clairement un gros effort de style, mais là encore je trouve qu'il en fait beaucoup trop  : au lieu d'être clair et de donner des exemples, il se laisse aller et abuse de tournures pompeuses, soutenues voire désuètes (la répétition de l'expression "jadis et naguère" m'a vite agacée !). J'ai surtout senti derrière ce ton une tentative de séduire un lectorat érudit / snob / d'un certain âge, une sorte de double de l'auteur - que l'auteur juge utile d'éclairer grâce à cet ouvrage de sa sainte lumière pro-modernité (je caricature à peine !). Et le choix d'un tel style donne également lieu à des raccourcis / comparaisons outrées qui se veulent sûrement poétiques mais n'ont en réalité pas grand sens, comme ce parallèle qui est fait entre la tour Babel et la tour Eiffel, mais franchement quel intérêt ?!

Ou encore cette délicieuse phrase, page 62 :
"Un pays comme la France devint vite une ville que le TGV parcourt comme un métro, que les autoroutes traversent comme des rues". Pour sortir de telles âneries, je suppose que Monsieur Serres n'a pas dû beaucoup sortir de Paris pour essayer de voyager à travers la province en utilisant les transports en commun, sinon il se serait probablement aperçu que cela n'est pas aussi facile que ça !! Cet exemple qui n'est qu'un minuscule détail illustre l'état d'esprit qui semble être celui de l'auteur, et qui m'a de plus en plus énervée au fil des pages : on dirait un doux rêveur, peu en prise avec la réalité. Mais peut-être suis-je trop jeune pour m'émerveiller de tous ces progrès qu'il évoque de loin (je ne sais pas comment c'était "avant" hum), et trop vieille pour m'identifier complètement à cette "Petite Poucette", citoyenne digital native qui va dominer le monde à l'aide de ses petits doigts tapotant un écran tactile...

Me fait penser aussi à cette phrase qui m'a fait bondir (promis après j'arrête de descendre ce bouquin) : "Ledit renversement touche aussi bien les sexes, puisque ces dernières décennies virent la victoire des femmes, plus travailleuses et sérieuses à l'école, à l'hôpital, dans l'entreprise... que les mâles dominants, arrogants et faiblards. Voilà pourquoi ce livre titre : Petite Poucette." Ainsi donc, le "féminisme" selon Michel Serres consiste à renforcer le mythe des "filles naturellement meilleures à l'école" (il semble s'en réjouir sans se demander d'où vient le problème ! - et j'ose espérer que son expression "mâles dominants" se veut ironique... mais je trouve ça peu clair !) et de parler de "victoire" des femmes, comme si le sexisme n'existait plus en France... HUM ! Plus j'y repense, plus ce livre me semble prétentieux et vain, en fait. A vouloir faire court et grand public, il s'enlise dans des bons sentiments manichéens, et tombe carrément à côté de la plaque. 

Esprit d'hiver, Laura Kasischke

Vendredi 3 janvier 2014 à 19:57

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Esprit d'hiver, Laura Kasischke
Editions Christian Bourgois, 275 pages
Rentrée littéraire 2013. Littérature états-unienne.


Huis clos entre Holly, une mère, poétesse qui n'a pas écrit depuis des années, et sa fille adoptive de 15 ans, Tatiana, un 25 décembre. Attente vaine des invités au repas de Noël, invités dont la venue est progressivement remise en question à cause d'une tempête de neige. On pense d'abord que le danger, que l'enjeu dramatique vient de l'extérieur, le père est parti chercher ses parents à l'aéroport et tarde à revenir... la journée du côté des femmes restées à la maison s'annonce plutôt ennuyeuse ou laborieuse, certes Holly s'est levée tard, le repas n'est pas encore prêt, et sa fille auparavant si charmante est d'une humeur grincheuse typiquement adolescente qui froisse sa mère et la laisse perplexe, mais à part s'occuper de la préparation du repas et attendre leurs invités elles n'ont rien à faire.

Pendant toute la journée, on oscille entre tentatives de réconciliations et bouderies entre la mère et la fille - tout est raconté du point de vue de la mère, et petit à petit on en apprend beaucoup sur le passé des personnages, le désir avorté de maternité et d'écriture d'Holly, et les circonstances de l'adoption de Tatiana en Russie, 13 ans plus tôt.

Cela se tient, la fin est assez frappante et donne envie de revenir au début pour tout revoir autrement ! Mais dommage que l'ensemble soit noyé dans un amas de considérations creuses et répétitives. On suit l'action - qui à part quelques maigres rebondissements est assez médiocre - et les pensées d'Holly en temps réel, alors oui tout est décomposé, mais on a l'impression que tout se traîne, tout est répétitif, et les protagonistes sont assez tête à claques ! Holly reste coincée dans son rôle de mère en admiration constante pour sa fille, même si celle-ci ne cesse de la décevoir et d'échapper à sa compréhension. Et impossible de comprendre ce que Tatiana a derrière la tête, pourquoi mère et fille ont besoin de se chamailler ainsi pour des broutilles tellement superficielles que l'ensemble en devient vite très agaçant !

L'auteur est très douée pour nous faire tourner en bourrique ; en effet malgré mon exaspération constante, je suis quand même restée accrochée à ma lecture parce que j'avais envie de connaître le pourquoi du comment, mais l'avancée est très lente et on reste sur notre faim quasiment jusqu'à la fin ! Et même si cette résolution est bien trouvée, mon impression globale est très mitigée. On ne peut nier un talent indéniable de l'auteur qui réussit à nous taper sur le système tout en nous donnant envie de comprendre ce qu'il se passe réellement, d'autant plus que l'atmosphère devient de plus en plus étouffante voir surnaturelle ! C'est pourquoi je suis allée jusqu'au bout (je suis d'accord avec les critiques qui qualifient ce roman de thriller, en un sens). La fin est plutôt réussie mais ne parvient pas à effacer le fait que la majeure partie de ma lecture a été assez poussive et agrémentée de nombreux soupirs mentaux d'impatience... c'est le genre de livre que j'aimerais sûrement mieux en y repensant plus tard, comme la fin est bien et que je vais peut-être oublier ce qui m'a ennuyée avant, j'en aurai peut-être un souvenir surestimé. N'empêche que j'ai largement préféré le seul autre livre que j'ai lu de cet auteur pour le moment : Rêves de garçons.

Quatrième de couverture :
Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d'angoisse inexplicable. Rien n'est plus comme avant. Le blizzard s'est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant...

Extraits :
"Et Holly pensa alors : "Je dois l'écrire avant que cela ne m'échappe". Elle avait déjà ressenti ça plus jeune - l'envie presque paniquée d'écrire à propos d'une chose qu'elle avait entraperçue, de la fixer sur la page avant qu'elle ne file à nouveau. Certaines fois, il avait failli lui soulever le cœur, ce désir d'arracher d'un coup sec cette chose d'elle et de la transporter en mots avant qu'elle ne se dissimule derrière un organe au plus profond de son corps - un organe un peu bordeaux qui ressemblerait à un foie ou à des ouïes et qu'elle devrait extirper par l'arrière, comme si elle le sortait du bout des doigts d'une carcasse de dinde, si jamais elle voulait l'atteindre une nouvelle fois.. Voilà ce que Holly avait ressenti chaque fois qu'elle écrivait un poème, et pourquoi elle avait cessé d'en écrire."

"Prendre connaissance des horreurs de ce monde et ne plus y penser ensuite, ce n'est pas du refoulement. C'est une libération."
 

No Steak / Nos étoiles contraires

Dimanche 29 décembre 2013 à 21:53

Le point commun entre ces deux livres ? Je les ai tous les deux lus en décembre, et ils m'ont beaucoup touchée ! Le premier est un essai sur le végétarisme, le deuxième est un un roman pour adolescents (dont l'héroïne est végétarienne, d'ailleurs ! mais ce n'est qu'un détail).

http://25.media.tumblr.com/fa106f8418c5bfcdf98df0f7cc02d5cd/tumblr_myl4jgKsiE1snoeqho1_250.jpgNo Steak, d'Aymeric Caron.

Quatrième de couverture : 

Bientôt, nous ne mangerons plus de viande. Nous cesserons définitivement de tuer des êtres vivants – 60 milliards d’animaux chaque année – pour nous nourrir.
D’abord parce que notre planète nous l’ordonne : en 2050 nous serons près de 10 milliards, et nos ressources en terres et en eau seront insuffisantes pour que le régime carné continue à progresser.
Mais au-delà des raisons économiques et écologiques, le passage au végétarisme va faire partie d’une nouvelle phase de notre évolution. La science nous prouve en effet un peu plus chaque jour que, contrairement à ce que nous avons longtemps prétendu, les animaux que nous exploitons sont des êtres sensibles, intelligents et sociaux. Dès lors, avons-nous encore le droit de les manger ? Le développement de l’éthique animale nous oblige aujourd’hui à reconsidérer nos devoirs vis-à-vis des autres espèces.

Aymeric Caron a mené l’enquête pour décrire, avec verve et humour, tous les aspects de notre étrange rapport à la viande. Pourquoi les chats et les chiens ont-ils un palace qui leur est dédié au Canada alors qu’en Chine ils peuvent finir au fond d’une casserole ? Pourquoi avons-nous choisi de manger en priorité des cochons, des poulets et des bœufs ? Comment ces animaux de consommation sont-ils produits ? Pourquoi Bill Clinton, Carl Lewis et Bryan Adams ont-ils décidé d’arrêter la viande ? Les végétariens vivent-ils vraiment plus longtemps que les carnivores ? Comment peut-on remplacer les protéines animales ?
Lui-même végétarien depuis plus de vingt ans, Aymeric Caron nous fait partager son expérience. Se gardant de tout prosélytisme et refusant les catéchismes de tout bord, il nous explique de manière limpide pourquoi, un jour, la viande disparaîtra.


Mon avis : Je pense que ce livre m'aurait rendue végétarienne si je ne l'avais pas déjà été avant. (et cette lecture renforce même mon envie de devenir végane, à terme, même si ça serait assez difficile d'un point de vue pratique). J'ai un peu peur que ça me rende intolérante parce que j'ai de plus en plus de mal à concevoir l'idée qu'on puisse être carnivore si on a conscience ne serait-ce que de la moitié des horreurs décrites dans ce livre. Je me ne sens pas vraiment capable d'en parler avec l'objectivité nécessaire (pas encore en tout cas), là quand on parle de viande devant moi, je me concentre seulement pour écouter le moins possible, pour ne pas être tentée d'intervenir et donc pour ne pas me mettre à m'énerver et à pleurer ou insulter le carnivore que j'ai en face de moi et qui se croit dans son bon droit.
Ce livre est à mon avis bien plus convaincant que je ne pourrai jamais l'être. A aucun moment l'auteur ne bascule dans l'affectif ni l'impératif en disant "il FAUT être végétarien", mais c'est la conclusion concrète de tout ce dont il est question. Il avance de multiples arguments d'ordre divers - économiques, écologiques, éthiques... - étayés d'exemples, d'anecdotes, de références à des documentaires, des études scientifiques, et toutes ses sources sont indiquées en fin d'ouvrage. 



http://25.media.tumblr.com/70f8fcd61c3a6fb5286fe502277b1d4a/tumblr_myl5v30KWt1snoeqho1_1280.jpgNos Etoiles contraires, de John Green
Roman pour adolescents / jeunes adultes. 

Quatrième de couverture :
Hazel, 16 ans, est atteinte d’un cancer. Son dernier traitement semble avoir arrêté l’évolution de la maladie, mais elle se sait condamnée. Bien qu'elle s'y ennuie passablement, elle intègre un groupe de soutien, fréquenté par d'autres jeunes malades. C’est là qu’elle rencontre Augustus, un garçon en rémission, qui partage son humour et son goût de la littérature. Entre les deux adolescents, l'attirance est immédiate. Et malgré les réticences d’Hazel, qui a peur de s’impliquer dans une relation dont le temps est compté, leur histoire d’amour commence… les entraînant vite dans un projet un peu fou, ambitieux, drôle et surtout plein de vie.


Mon avis : Je l'ai lu quasiment d'une traite. Vu le pitch (une histoire d'amour entre deux adolescents cancéreux) je m'attendais vraiment à un truc insupportablement mièvre et pathétique et en fait NON. Il y a bien des tas de passages tristes / touchants et d'autres romantico-mignons mais tout ce que ces ingrédients pourraient avoir de dangereusement exaspérant est annulé par l'humour de l'héroïne. Sujet très très casse-gueule et donc gros tour de force de ne pas être tombé dans les clichés redoutés !

Puis en me bouleversant très fort, c'est comme si ce livre avait réactivé en moi des capacités émotionnelles que je pensais mortes. Je n'ai pas encore décidé si c'est bien ou pas, ça, a priori je préférais mon état d'insensibilité parce que ça a été quand même assez douloureux et ça m'a fait ressentir encore plus fortement un certain sentiment de solitude que j'avais pris soin d'auto-censurer, mon insensibilité artificielle semblait assez bien fonctionner et voilà que tout semble foutu en l'air. Je me demande bien comment je vais pouvoir conseiller ce livre en gardant un minimum de distance professionnelle. 

Une adaptation ciné est prévue pour l'année prochaine (ça m'effraie un peu, j'ai peur qu'ils appuient sur ce qui est triste à grands coups de violon sans réussir à rendre compte de l'humour des personnages ! enfin, on verra).

La Grâce des brigands, Véronique Ovaldé

Jeudi 17 octobre 2013 à 23:23

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Un autre roman de la rentrée littéraire, et mon premier Ovaldé. L'histoire d'une jeune femme écrivain qui apprend à gagner sa liberté, Au début du roman, Maria Cristina a une trentaine d'années et c'est progressivement qu'on va découvrir son parcours.

Après avoir vécu une enfance et adolescence à Lapérouse, bourgade canadienne arriérée, de plus dans un cadre familial peu épanouissant - père relativement absent et une mère bigote, dingo et castratrice qui la fait culpabiliser suite à un accident survenu à sa soeur. 

Elle finit par s'évader de ce milieu étouffant en partant faire ses études en Californie où sa colocataire va l'aider à se dévergonder, et où elle va surtout devenir la secrétaire particulière d'un écrivain imbu de lui-même, Rafael Claramunt, qui va devenir son mentor et amant. 

Le roman s'articule autour de ces diverses influences, comment elles vont la façonner, et comment elle va réussir à s'affranchir de tout cela, parfois d'une manière inattendue. ll ne se passe pas grand-chose au final, mais je me suis beaucoup identifiée à l'héroïne, et j'ai trouvé tout un tas de passages très justes et plutôt drôles (sur la peur de l'avion par exemple !).

On voit bien que Maria Cristina a été une adolescente et jeune femme malléable, sensible, pas très douée pour la vie en société, et ses difficultés sont décrites sans complaisance, mais toujours avec humanité et avec une auto-dérision sympathique, ce qui m'a aidée à me sentir proche d'elle. J'ai été complètement séduite par le style et cette découverte conforte mon envie de lire les autres romans du même auteur. 


Extraits : 

"Elle achète une barquette de fraises - qui ressemblent à des personnages de dessin animé, il ne leur manque que la parole. Les fraises ne sont pas pour elle. Pour rien au monde elle ne mangerait de ces fruits contre nature. Elle les apporte à Claramunt qui aime tout ce qui est artificiel."

"Au moment où elle embarque elle a retrouvé un peu de sérénité malgré sa peur de voler, et le fait qu'elle va tenter, pendant tout le voyage, d'empêcher l'avion de s'écraser rien qu'avec la force de sa volonté." (p. 39)


"(...) Maria Cristina a toujours détesté que les prénoms veuillent dire quelque chose, les choses sont des choses, les gens sont des gens." (p. 47)


"Pour s'endormir Maria Cristina projetait son propre enterrement et imaginait le regret qu'on aurait d'elle.
Et quand elle regardait le calendrier elle songeait qu'elle passait chaque année, insouciante, la date anniversaire de sa future mort, cette date funeste qui marquerait sa fin, cette date qu'elle vivait à chaque fois dans l'ignorance. Et l'importance de ce 27 février ou de ce 30 avril ou de ce 15 juillet dans sa propre trajectoire la laissait pantelante. N'était-il pas surprenant qu'aucun petit signe de lui révélât le caractère crucial que cette date revêtirait pour elle ? Tout n'était-il donc que fortuité et hasard ?"(p. 75)
(voir aussi p. 165, 168, 206-207)
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