FERIOJ ( journal culturel )

Mémoires d'un fou

Jeudi 3 janvier 2013 à 22:40

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Mémoires d'un fou : 1838, moins de 100 pages, l'auteur a rédigé ce récit quand il avait 17 ans. Gustave Flaubert adolescent, c'est plutôt rigolo, il avait bien tout l'emportement qu'on prête à la jeunesse, si j'étais vulgaire et voulais caricaturer son attitude, je dirais même qu'aujourd'hui on l'aurait traité d'emo. Voyez le tout début, on dirait quasiment un premier article de blog :

"Pourquoi écrire ces pages ? - À quoi sont-elles bonnes ? - Qu'en sais-je moi-même ? Cela est assez sot à mon gré d'aller demander aux hommes le motif de leurs actions et de leurs écrits. - Savez-vous vous-même pourquoi vous avez ouvert les misérables feuilles que la main d'un fou va tracer ? (...)

Je ne sais pas plus que vous ce que vous allez lire car ce n'est point un roman ni un drame avec un plan fixe, ou une seule idée préméditée, avec des jalons pour faire serpenter la pensée dans des allées tirées au cordeau.
Seulement, je vais mettre sur le papier tout ce qui me viendra à la tête, mes idées avec mes souvenirs, mes impressions, mes rêves, mes caprices, tout ce qui passe dans la pensée et dans l'âme, - du rire et des pleurs, du blanc et du noir, des sanglots partis d'abord du coeur et étalés comme de la pâte dans des périodes sonores, - et des larmes délayées dans des métaphores romantiques."


Et en effet on en a beaucoup, des "larmes délayées dans des métaphores romantiques" ; son spleen étant à peu près sans objet (je veux dire par là : sans objet réellement tangible si on le juge de manière sévère), il développe énormément sa mélancolie vague, son ennui de vivre, son dégoût de tout, et j'en passe. Cela serait assez vide si on n'avait pas quand même le récit de ses premières amours impossibles. Beaucoup d'emphase pour pas grand-chose si on voit les choses de façon pragmatique ; mais bon, c'est Flaubert, alors on a quand même quelques passages vraiment pas mal du tout. Ce que j'ai préféré, c'est sa description énamourée de l'objet de ses fantasmes : (qu'on qualifierait aujourd'hui de femme grosse et moustachue si on cherchait à être méchant et réaliste, mais comme vous allez le voir, Gustave la voit autrement et c'est TANT MIEUX <3) :


"Elle me regarda.
Je baissai les yeux et rougis. Quel regard, en effet !
Comme elle était belle, cette femme ! je vois encore cette prunelle ardente sous un sourcil noir se fixer sur moi comme un soleil.
Elle était grande, brune, avec de magnifiques cheveux noirs qui lui tombaient en tresses sur les épaules ; son nez était grec, ses yeux brûlants, ses sourcils hauts et admirablement arqués, - sa peau était ardente et comme veloutée avec de l'or ; elle était mince et fine, on voyait des veines d'azur serpenter sur cette gorge brune et pourprée. Joignez à cela un duvet fin qui brunissait sa lèvre supérieure et donnait à sa figure une expression mâle et énergique à faire pâlir les beautés blondes. On aurait pu lui reprocher trop d'embonpoint ou plutôt un négligé artistique - aussi les femmes en général la trouvaient-elles de mauvais ton. Elle parlait lentement : c'était une voix modulée, musicale et douce. - Elle avait une robe fine de mousseline blanche qui laissait voir les contours moelleux de son bras."
Cette femme, qui semble avoir bien existé puisque ce récit est considéré comme autobiographique, a également servi de modèle au personnage de Mme Arnoux dans l'Education Sentimentale que Flaubert écrira bien plus tard. (lu et étudié l'Education sentimentale à la fac il y a quelques années et certes, on reconnaît bien le même genre d'admiration passionnée). 

Lire Mémoires d'un fou :
- Livre audio gratuit à télécharger ici (lecture par René Depasse, durée : 2h10mn)
- Ouvrage en ligne ici (Gallica) ou encore (InLibroVeritas). 

Journal d'un corps

Vendredi 14 décembre 2012 à 9:26

 
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Journal d'un corps [Texte imprimé] / Daniel Pennac. - [Paris] : Gallimard, impr. 2012 (53-Mayenne : Impr. Floch). - 1 vol. (389 p.) ; 21 cm.

Titre magnifique, je partais donc avec un très bon a priori, sans compter que j'ai aimé ce que j'ai lu de Pennac (pas encore la saga Malaussène - un jour...) mais adoré Comme un roman que je relis au moins une fois par an quand mon appétit de lire a un coup de mou, et très bon souvenir des Kamo lus enfant (aussi lu Chagrin d'école, j'avais moins aimé).

J'aime ce qui relève du domaine du journal intime, de l'introspection, cela m'intéresse et me touche parce que moi-même j'aime mémoriser ce qui m'arrive, le noter, réfléchir à comment le noter (puisqu'il s'agit toujours d'une représentation, même avec une photo on ne colle pas strictement à la réalité, il y a toujours un point de vue, un parti pris).

Au lieu de sombre dans le lyrisme (bon, j'aime bien aussi, mais ça dépend comment c'est fait, si c'est avec une complaisance de gros sabots non merci), je suis de plus en plus tentée par ce qui se rapprocherait d'une certaine neutralité, en consignant uniquement des faits, des données objectifs, se limiter à l'intérêt documentaire de la chose. Et c'est bien ce dont il s'agit ici : le narrateur tient toute sa vie un journal qu'il ne veut pas "intime" dans le sens où il s'attacherait à ses pensées, mais qui suivrait les évolutions et manifestations de son corps.

Dans son cas cependant, il faut noter qu'il ne s'agit pas tellement (ou pas uniquement) d'une envie de prendre du recul, de la distance, mais plutôt au contraire de rattacher les wagons : enfant, il a du mal à prendre conscience de son corps, à le maîtriser, à le considérer comme à lui, il se sentait alors "désincarné". Ce journal est donc là pour "combler la distance entre son corps et son esprit" (guillemets approximatifs, je paraphrase peut-être).

Connaissant dès le début l'intention du narrateur je m'attendais à un résultat plus radical encore, une suite de considérations anatomiques sans contexte ni commentaire ; mais pas du tout, et c'est pourquoi, même s'il s'en défend, on peut considérer ce journal comme un "journal intime" selon moi, simplement, un journal intime d'un genre particulier, voilà tout. Il retrace toute la vie du narrateur, de ses 12 ans jusqu'à sa mort. Le tout entrecoupés de notes à Lison, sa fille à qui il lègue ce journal, notes se présentant comme des lettres et qui sont là pour faire les transitions entre des ellipses, compléter des informations, et commenter le journal (assez peu nombreuses, elles accompagnent la lecture sans l'entraver).

C'est le genre de livre qui t'aide à voir différemment le genre humain. En ayant plus conscience de son "animalité", on devient paradoxalement plus humain, c'est-à-dire plus indulgent envers notre corps, on ressent aussi plus de sympathie envers le corps des autres, qui sont à la fois nous-mêmes et des "outils" à la fois puissants et vulnérables, cf cette phrase touchante : "Pauvre médecin ! Passer sa vie à réparer un programme conçu pour merder."

En nous rappelant qu'on a un corps (oui, faut croire que je ne suis pas assez en paix avec lui pour m'en souvenir), ce bouquin nous incite à le respecter et à en prendre soin (sans moralisme aucun, il donne aussi - surtout ? - envie d'en jouir et de s'amuser avec). Et il nous aide aussi à dédramatiser nos émotions, l'angoisse notamment, qui, c'est vrai, est aussi liée au corps, l'envisager comme une faiblesse qui touche le corps, je n'avais jamais envisagé vraiment la chose sous cet angle.

Je craignais de me lasser, avant de commencer ma lecture je me disais : ouais, bon, l'adolescence, la découverte de la sexualité, ça va être sympa, mais une fois adulte, il ne va plus rien se passer, et ensuite, on aura la simple énumération de ses bobos de vieux, bouaarghh. Mais non, ce sont les dernières parties que j'ai préférées je crois bien ! On est de plus en plus dans le commentaire, dans une réflexion sur notre relation au corps, et puis remontent aussi des souvenirs liés à son corps, il n'est donc pas uniquement question de sa vieillesse dans le journal de ses dernières années. 

Beaucoup de sympathie pour le narrateur, et ravie par cette entreprise, me donne presque envie de commencer le "journal de mon corps", c'est dire mon engouement. En m'apercevant qu'il parlait en fait évidemment du contexte, de son entourage, de ce qu'il ressent (les émotions sont certes liées au corps, mais on n'est jamais loin de l'épanchement sentimental, on a donc aussi accès à ses pensées, hein), au début j'ai pensé "beuuh, c'est de la triche !", mais en fait tant mieux, et ça n'empêche pas ce journal d'être très particulier. Sa crudité bonhomme m'a plu, j'ai seulement passé un passage où il est question de saignements de nez excessif, c'était trop pour moi.

Quelques extraits : 

"L'autre peut être un remède à l'angoisse, à condition qu'il nous soit intimement étranger, un peu indifférent. Il n'est pas une journée de travail qui n'ait raison de mon angoisse. Dès que je franchis les portes de la boîte, l'homme social prend le dessus sur l'homme angoissé. Je suis aussitôt réceptif à ce que les autres attendent de moi : attentions, conseils, félicitations, ordres, encouragements, plaisanteries, engueulades, apaisements... (...) le rôle a toujours eu raison de mon angoisse. Mais les proches, eux, les nôtres, trinquent à tous les coups, parce qu'ils sont nôtres précisément, constitutifs de nous-mêmes, victimes propitiatoires du marmot que nous restons toute notre vie."


"(Image fugitive de tante Noémie dans son petit appartement de la rue Chanzy. Craignant la cécité, elle s'entraînait à marcher les yeux fermés. Quand elle devint aveugle, elle ne pouvait plus marcher)."


"Intrusion massive du corps commun dans l'autobus 91, à la station des Gobelins. Quand j'y monte, gare Montparnasse, le bus est vide. Je profite de cette solitude inespérée pour m'abîmer dans une lecture que perturbent à peine les passagers qui, de station en station, s'asseyent autour de moi. A Vavin, toutes les places assises sont occupées. Aux Gobelins, le couloir est bondé. Je le constate avec l'innocent égoïsme de celui qui, ayant trouvé un siège, jouit d'autant mieux de sa lecture."
(lu justement cet extrait assise, dans un tram plein)

Mes 10 dernières lectures

Dimanche 4 novembre 2012 à 12:12

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 • Une étude en rouge, de Conan Doyle

Le et mon premier Sherlock Holmes, personnage assez charismatique (quand je pense à Sherlock Holmes, c'est la tête de Sheldon Cooper de TBBT qui me vient à l'esprit). J'ai surtout aimé le flashback qui raconte l'histoire des personnages de Lucy et son père, j'ai quasiment été déçue de revenir au dénouement de l'enquête ensuite. 




http://24.media.tumblr.com/tumblr_mcz6arVCk81rpxoqlo1_400.jpgLe Signe des quatre, de Conan Doyle

Je pourrais faire à peu près la même critique que pour l'épisode précédent : c'est surtout le récit de la destinée des personnages secondaires impliqués dans l'enquête qui m'a intéressée. Et puis j'ai l'impression que dès ce second épisode on décèle une sorte de schéma pour toutes les histoires de Sherlock Holmes, je n'aime pas sentir l'existence d'un système quand je lis. Je lirai peut-être d'autres aventures de Sherlock Holmes, mais pas tout de suite, et pas plusieurs d'affilée, je pense que je me lasserais très rapidement sinon.

Dans cet épisode, le narrateur Watson prend plus d'importance parce qu'il est amoureux. J'aimerais assez que sa dulcinée apparaisse dans d'autres épisodes, elle est mignonne et cela ne serait pas mal, une présence féminine qui s'ajouterait au duo Sherlock-Watson (je ne vais pas me renseigner pour savoir si c'est le cas ou pas, je ne veux pas me spoiler)

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Le Coeur régulier, d'Olivier Adam

Le seul autre roman de cet auteur que j'avais lu, c'était Je vais bien ne t'en fais pas (après avoir vu le film) et cela m'a surpris de retrouver un thème très similaire : l'histoire d'une jeune femme paumée qui a du mal à supporter une vie "normale", qui a une relation fusionnelle avec son frère rebelle et disparu. Noté plusieurs passages, en lisant le roman j'étais un peu sceptique mais finalement, cette histoire mi-molle mi-triste m'a laissée une trace. Pas mal donc, même si je me méfie de l'auteur, j'ai comme l'impression qu'il utilise un peu toujours les mêmes ingrédients.


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Le Journal d'un homme de trop, de Tourgueniev

Très, trop court (une nouvelle d'une soixantaine de pages il me semble), vite lu et je n'en ai déjà presque aucun souvenir. C'était pas mal écrit, un jeune homme qui n'a rien fait de sa vie va bientôt mourir et essaie de faire le bilan de son existence, la moitié du temps il se plaint, l'autre moitié il se reproche de se plaindre (ça c'est assez drôle)... non vraiment je ne peux pas en parler, bien trop flou. 




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Le Passeur, de Loïs Lowry

Si la nouvelle de Tourgueniev ne m'a pas du tout marquée, c'est probablement parce que je l'ai lue le même jour que Le Passeur, roman de science-fiction pour la jeunesse lu d'une traite, et qui m'a fait une très forte impression !
Entre 1984 et Auprès de moi toujours (uchronie donc), description d'un monde aseptisé, rationalisé à l'extrême, où toute émotion est éradiquée à la racine dans un but d'ordre et d'égalité entre tous les individus. Je comprends pourquoi ce roman est culte (je pense que je vais l'offrir à mon frère), je vous le conseille vivement, absolument excellent !


http://25.media.tumblr.com/tumblr_mcz6f72s0F1rpxoqlo1_500.jpgLa Douceur, de Christophe Honoré

Christophe Honoré est l'un de mes réalisateurs préférés mais je n'avais jamais lu aucun de ses ouvrages. Amour, tendresse, recherche de vérité, personnages traumatisés qui souhaitent dépasser un souvenir horrible... car en effet tout est imprégné de barbarie.

Si je ne suis pas tout à fait convaincue par la structure narrative du roman (on a tantôt le point de vue du héros, puis surtout celui du frère du jeune héros, parfois celui de la directrice du centre de loisirs où a eu lieu le drame - devenue la conjointe du frère du héros, comme par hasard), ça part dans tous les sens, j'aurais préféré qu'on se concentre plus sur le héros, la distanciation opérée par la domination des autres points de vue, et les problèmes de ces narrateurs-personnages secondaires m'a gênée, ce n'était vraiment pas l'essentiel à mes yeux. Pas un roman qui laisse indifférent en tout cas. 

http://25.media.tumblr.com/tumblr_mcz6ctiu671rpxoqlo1_400.jpgLe Château de Hurle, de Diana Wynne Jones

Petite j'avais été impressionnée par Ma soeur est une sorcière mais n'avais jamais eu l'occasion de lire d'autres romans de l'auteur. J'adore l'univers du roman, la manière dont est traitée la magie dans ce monde, sans être "banale" (on ne la comprend ni ne la maîtrise jamais complètement), elle est acceptée et intégrée au quotidien des gens qui vont voir le magicien de Hurle pour régler tel ou tel problème... j'aime ce type de fantaisie.

Beaucoup aimé le début, et même ce que je pourrais appeler la première partie du roman, avant que Sophie s'installe vraiment dans le château. C'est un personnage assez réussi, j'ai trouvé sa brusquerie et sa maladresse appréciables, elle ne se prend pas au sérieux. Dans le genre bougon et petit tyran, Hurle est bien chouette aussi.

Le problème c'est que je trouve que ça s'enlise pas mal, et assez rapidement en fait pendant à peu près toute la deuxième partie du roman j'avais le sentiment que ça n'avançait pas vraiment. Alors quand le dénouement survient enfin, on l'a tellement attendu qu'il n'a plus grand intérêt. Avis très mitigé donc, première moitié très prometteuse mais la suite n'a pas honoré mes attentes ; cependant je regarderai l'adaptation de Miyazaki (Le Château ambulant) avec plaisir. 

http://24.media.tumblr.com/tumblr_mcz6i3F3UB1rpxoqlo1_400.jpgOh, boy ! de Marie-Aude Murail

Depuis mon adolescence j'entends parler de Marie-Aude Murail comme un auteur phare pour la jeunesse mais en fin de compte je n'avais jamais rien lu d'elle (ou alors j'ai oublié ?), erreur aujourd'hui réparée. Cette histoire de 3 orphelins à la recherche d'une famille m'a beaucoup rappelé (pour le début en tout cas) l'intrigue des Désastreuses Orphelins Baudelaire, ce qui a dans un premier temps nui au roman de Marie-Aude Murail car il n'y aucune tonalité fantastique chez elle.

Mais peu à peu je me suis attachée aux personnages, c'est certes un peu cliché (le personnage du surdoué surtout) et une des péripéties les plus importantes du roman est bien trop mélo à mon goût, vu la situation initiale déjà pas jouasse (leur père les a abandonnés, leur mère se suicide...) on n'avait pas besoin de ça.... mais la fraîcheur de l'ensemble rattrape le tout, les traits les plus caricaturaux des personnages sont décrits de telle sorte qu'on ne prend rien au sérieux et que c'est rigolo. Très sympa donc, et je ne peux qu'apprécier qu'un personnage homosexuel soit présent dans un roman pour enfants (même si plus pour ados, quoique ?) sans que ça soit au coeur de l'intrigue !

http://25.media.tumblr.com/tumblr_mcz795zNsO1rpxoqlo1_500.jpgBarbe Bleue, d'Amélie Nothomb

Je n'avais pas été tentée par son roman de l'an dernier, Tuer le père, et n'avais pas vraiment aimé celui d'il y a 2 ans, Une forme de vie. C'est donc pleine de méfiance que j'ai emprunté celui-ci à la médiathèque en me disant que ça risquait bien de signer mon divorce avec cet auteur que j'ai pourtant chéri pendant de longues années. Et en effet, ouhlala ! J'ai trouvé ça plutôt affligeant.

Nothomb utilise toujours les mêmes ficelles, des personnages hors normes aux noms à coucher dehors, toujours plus ou moins meurtriers, imbus deux-mêmes, censés manifester leur génie dans des joutes oratoires qui ne sont en définitive que des dialogues qui veulent se faire passer pour originaux car ils mettent en scène des pensées absurdes... mais ça ne prend plus, tout cela est vu et revu, superficiel et creux, et cette obsession snob pour le champagne, faut arrêter au bout d'un moment hein.

Probablement mon dernier Nothomb (heureusement que je ne l'ai pas acheté). J'espérais être surprise, ou amusée, d'autant plus que j'aime beaucoup le conte de départ. Mais que dalle, il n'y a rien à sauver ou presque là-dedans. Vite lu, vite oublié, et très agaçant.

http://25.media.tumblr.com/tumblr_mcz6iyFotL1rpxoqlo1_250.jpgSimple, de Marie-Aude Murail

Comme Oh, boy !, Simple est une histoire de solidarité, où des individus qui n'ont au départ rien à voir les uns avec les autres vont s'unir dans le but d'en sauver d'autres, dont un "hors norme". M'a fortement fait penser à Ensemble c'est tout sauf qu'au lieu d'une personne âgée, il s'agit ici de sauver d'une institution un jeune déficient mental, et contrairement au roman d'Anna Gavalda, il reste toujours une bonne dose de légèreté et d'humour (tonalité agréable qui m'avait déjà plu dans Oh, boy !), ce qui évite l'overdose de gnagnantise. Ou peut-être que c'est un peu gnangnan (mais noon) mais en tout cas faut croire que j'étais dans le bon état d'esprit, puis c'est un roman pour la jeunesse donc on accepte mieux cette relative naïveté... en somme tous ces bons sentiments m'ont fait plaisir, le personnage de Simple est très attachant, cette lecture m'a fait du bien. 

L'Enchanteur, de René Barjavel

Dimanche 14 octobre 2012 à 11:50

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     "Viviane arriva en courant et bondissant de joie, suivie par une longue écharpe multicolore d'oiseaux chantants. Et chacun de ses pas semait des fleurs dans l'herbe. Elle s'arrêta devant son père, leva son visage vers lui et ouvrit ses bras pour lui offrir tout son bonheur. Les oiseaux, en piaillant comme des enfants qui jouent, enveloppèrent de leur ronde le père et la fille et le vieux berger. Celui-ci hochait la tête en souriant et marmonnant "Jolis oiseaux ! Jolis oiseaux !..." Il était plus réjoui qu'étonné. C'était une époque où se produisaient fréquemment des évènements inexplicables, et quand ils étaient agréables on en profitait sans en faire un problème. On ne croyait pas uniquement à ce qui était raisonnable. La raison rétrécit la vie, comme l'eau rétrécit les tricots de laine, si bien qu'on s'y sent coincé et on ne peut plus lever les bras." 
(p. 57)


Quatrième de couverture :
Qui ne connaît pas Merlin ? Il se joue du temps qui passe, reste jeune et beau, vif et moqueur, tendre, pour tout dire Enchanteur. Et Viviane, la seule femme qui ne l'ait pas jugé inaccessible, et l'aime ? Galaad, dit Lancelot du Lac ? Guenièvre, son amour mais sa reine, la femme du roi Arthur ? Elween, sa mère, qui le conduit au Graal voilé ? Perceval et Bénie ? Les chevaliers de la Table Ronde ? Personne comme Barjavel, qui fait le récit de leurs amours, des exploits chevaleresques et des quêtes impossibles, à la frontière du rêve, de la légende et de l'Histoire. Dans une Bretagne mythique, il y a plus de mille ans, vivait un Enchanteur. Quand il quitta le royaume des hommes, il laissa un regret qui n'a jamais guéri. Le voici revenu.


Chrétien de Troyes revisité. C'est assez rare, une histoire qui repose sur quelque chose de vraiment heureux. Un espoir infini, beaucoup de beauté, de la magie, des personnages valeureux, de multiples aventures qui finissent pour ainsi dire toujours bien
Question évasion, ça fonctionne du tonnerre !!!
L'histoire d'amour entre Viviane et Merlin m'a un peu lassée au bout de quelques centaines de pages ; enfin, non pas leur histoire, mais leur frustration sexuelle (voire la niaiserie de leurs mots doux). Et je n'ai pas aimé la fin du roman, mais je l'ai déjà oubliée. 

Fermina Márquez, de Valery Larbaud

Mercredi 19 septembre 2012 à 18:50

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Court roman paru en 1911, dans la veine des "romans d'adolescence" (comme le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier), il y est décrit l'effet que produit Fermina Márquez, une jeune fille colombienne, sur les camarades de son frère dans un collège cosmopolite (en banlieue parisienne, mais la plupart des élèves sont d'origine hispanique). 
 
Tous se croient amoureux d'elle et essaient par divers moyens d'acquérir ses faveurs ; on a ainsi le récit des tentatives de Santos Itturia (le beau gosse déluré si on caricature), Camille Mouquier (le petit timide, de loin le plus attachant) et surtout Joanny Léniot, le premier de la classe, persuadé d'avoir du génie ; la vanité de ce dernier personnage me l'a rendu très antipathique j'aurais préféré qu'on s'attarde plus sur un autre personnage, j'aurais aussi aimé qu'on en sache un peu plus sur Fermina Marquez, à part sa richesse et sa piété, on ne sait finalement pas grand-chose d'elle ni de son caractère ; peut-être est-ce une façon de dire qu'au fond elle n'a rien d'exceptionnel, vu ce qu'il se passe on peut en effet facilement tourner en dérision le comportement que les adolescents adoptent à son égard. 
 
Style élégant (je me répète) quoiqu'un peu vieillot, le désuet me plaît mais lire des expressions politiquement incorrectes comme "le nègre" choque un peu au début mais bon il faut se replacer dans le contexte de l'époque ; idem quand le narrateur fait des généralisations à partir du personnage de Fermina en tentant alors de donner au passage des définitions de ce que sont "les femmes", hum. Enfin ce qui m'a surtout intéressée c'est de lire la fascination qu'elle exerce sur son entourage, et leur éveil aux sentiments, leurs manoeuvres puériles de jeunes coqs, c'est mignonnet. 
 
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